gary réaliser un classement des champions olympiques

Desexploits d’Usain Bolt au carton des Britanniques à domicile, en passant par la suprématie retrouvée des Etats-Unis deux semaines de Leprésident de la République Emmanuel Macron réunira autour de la Première ministre les acteurs des Jeux olympiques et paralympiques de MathiasBrägger: «Je suis aussi venu à Bienne pour me stabiliser géographiquement». Planète Hockey vous propose l’interview de Mathias Brägger, le nouvel arrivé au HC Bienne. S'il peine encore un peu à trouver ses 17/11/2007 à 00:14:34 Fribourg - Zoug | National League. Bonjourj'aurais besoin d'aide pour ce devoir PIX :Gary réalise un classement des champions olympiques.Complétez le tableau à télécharger à l'aide du texte suivant.La kayakiste française Émilie Fer a remporté l'or lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012. Trophéedes champions : en démonstration, le PSG démarre sa saison avec un nouveau titre. Par Christophe Remise. Publié le 31/07/2022 à 21:58, Mis à jour le 01/08/2022 à 11:30. Le PSG a nonton the walking dead season 11 episode 24 sub indo. Comme d’autres équipes, les Warriors ont dû faire des choix cet été, en laissant partir quelques joueurs. Néanmoins, le front office a su se montrer malin au moment de compenser les pertes, au point de réaliser un énorme coup à 61 millions de dollars. Une belle manoeuvre de la part des dirigeants, mais surtout des économies pour Joe Lacob. Champions ou pas, les Warriors n’allaient pas échapper à un certain ménage durant l’été, la faute à des fins de contrat. Gary Payton II cherchait logiquement à être payé après une belle saison, tout comme Otto Porter Jr, qui voulait se relancer. Les deux joueurs ont finalement quitté le navire, le premier pour Portland, le second pour les Raptors. Deux départs qui font mal, même si Golden State a parfaitement répondu sur le papier. Dans ces conditions, il faut souvent faire confiance au front office afin de réaliser de belles affaires, et on peut dire que le GM Bob Myers a réussi son coup. Donte DiVincenzo a renforcé les Dubs dès les premiers jours de la free agency, lui qui était à 9 points et 4 rebonds de moyenne l’an dernier. En début de semaine ? C’est JaMychal Green, vétéran très prisé, qui a trouvé un accord pour rejoindre la Californie. L’énorme coup des Warriors sur le marché Même si Payton II va manquer avec sa défense redoutable, on peut dire que Golden State s’en sort sur le papier. L’apport promet d’être intéressant de la part des deux joueurs, d’autant que Joe Lacob, le propriétaire, peut avoir le sourire. En remplaçant ces deux joueurs ainsi, le management va économiser beaucoup d’argent, plus de 60 millions à vrai dire. Comme quoi, il faut voir le positif. REPORT The Golden State Warriors saved $61M in luxury tax and salary by letting Gary Payton II and Otto Porter walk and replacing them with Donte DiVincenzo and JaMychal Green. via gswcba Legion Hoops LegionHoops July 20, 2022 Les Warriors ont économisé 61 millions de dollars en luxury tax et salaires, en laissant partir Gary Payton II et Otto Porter pour les remplacer par Donte DiVincenzo et JaMychal Green. Niveau argent, on peut dire que le move est très solide pour les Warriors. Sur les parquets, est-ce que le manque va se faire ressentir ? En défense, sans aucun doute, mais pour le reste ? Probablement pas. Une bonne manoeuvre pour les Dubs et Joe Lacob, qui se frotte les mains. Reste à savoir désormais si la franchise parviendra à prendre un nouveau titre. Les Warriors ont encore réalisé un joli coup sur le marché, du moins d’un point de vue économique. Les arrivées de DiVincenzo et Green sont bien vues par les fans, eux qui auront un gros rôle à jouer en sortie de banc la saison prochaine. En attendant, c’est Joe Lacob qui peut sourire. Publié le 20 septembre 2021 Crédit photo © Alex Voyer Rencontre avec le champion du monde de plongeon Gary Hunt est pilote de l’air. Pas de ceux qui portent le treillis ou conduisent des avions de chasse. Non, de ceux qui manœuvrent l’apesanteur comme personne. Huit fois Champion du Monde de haut-vol, le plongeur de 37 ans maitrise sa peur et domine sa discipline. Ou l’inverse. C’est pareil. Si bien qu’il a développé une relation passionnelle qui n’a rien de platonique pour ce sport spectaculaire qu’il pratique comme un art. L’art du plongeon. Un art pour lequel il se livre corps et âme, quitte à changer de nationalité. Entretien avec un anglais devenu français, un roastbeef ayant muté frog qui n’aime rien d’autre que s’envoyer en l’air. Théâtre des rêves, Londres et exhibitions Crédit photo © Romina Amato Comment en arrive-t-on à s’élancer d’une plateforme perchée à 27 mètres au-dessus de l’eau, dans les endroits les plus rocambolesques du planisphère ? Est-ce une vocation ou le fruit d’un improbable concours de circonstances ? C’est le résultat d’un concours de circonstances, mais plus favorable qu’improbable, au sens où mon parcours suit une certaine logique. Je pratique le plongeon depuis l’enfance et suis habité par une passion pour la discipline depuis l’instant où j’ai fait sa rencontre… Crédit photo © Ricardo Nascimento Justement, peux-tu nous raconter cette trajectoire qui a mené le petit londonien que tu étais vers les 8 titres de Champion du Monde qui garnissent aujourd’hui ton palmarès ? Mon père, fan absolu de natation, souhaitait que l’on pratique ce sport. Sauf que je n’étais que modérément doué et que je passais plus de temps à observer les plongeurs qui s’éclataient dans la piscine d’à-côté qu’à être assidu sur mes longueurs. À 9 ans, j’ai demandé à mes parents de changer de bassin pour pouvoir les rejoindre. Instantanément, ça m’a plu. J’avais au préalable fait un peu de danse et de gymnastique, ce qui m’offrait une certaine aisance dans la gestuelle et la maitrise de mon corps en mouvement. Jusqu’à 20 ans, je me suis lancé à corps perdu dans la compétition, avec pour objectif une qualification olympique sur le plongeon à 10 mètres. Quel est l’élément déclencheur qui te fait tripler la hauteur de la plateforme ? Quand et comment passes-tu du plongeon olympique à 10 mètres, en bassin, au plongeon de haut-vol, 27 mètres au-dessus du vide, en nature ? À l’été 2006, mon coach reçoit l’appel d’un plongeur italien qui, alerté par ma réputation de voltigeur assez audacieux, me sollicite dans sa recherche d’un acolyte pour des spectacles d’exhibition qu’il réalisait durant toute la saison estivale. J’avais terminé les compétitions et c’était l’occasion rêvée de mettre un pied dans cet univers qui m’attirait déjà énormément. La nature t’offre un théâtre de rêve dont tu deviens l’acteur principal 3 secondes durant Crédit photo © Dean Treml Qu’est-ce que tu as trouvé dans le plongeon de haut-vol que tu n’avais pas ailleurs ? Pendant ces deux mois d’initiation, j’ai goûté à la liberté totale qui te saisit en haut-vol. Tu t’affranchis du cadre rigoureux du plongeon olympique, tu sors de cette routine particulièrement usante piscine - hôtel - piscine » … Tu laisses un libre-cours total à ton imagination. La créativité et l’audace sont plus qu’encouragées. Ton rôle est clair innover dans l’air. Moi, dont les plongeons étaient considérés comme bizarres » en bassin, je trouvais là un magnifique terrain d’expression. L’autre aspect qui m’a séduit, c’est le cadre. Tu plonges dans un décor fantastique, en pleine nature, au contact direct des éléments. La nature t’offre un théâtre de rêve dont tu deviens l’acteur principal 3 secondes durant… Coup de matraque, 100 km/h et gestion des émotions On y arrive ! Les chiffres sont impressionnants et témoignent de la dimension extrême de ce sport 27 m de hauteur, 3 secondes de vol… Quelle est votre vitesse à l’instant de pénétrer dans l’eau ? Entre 90 et 100 km/h… Et l’on passe de 100 à 0 km/h en moins d’une seconde. Clairement, ça secoue ! À cette vitesse, l’eau devient du béton et le moindre degré vertical parasite a l’effet d’un coup de matraque. Même lorsque tu réussis parfaitement ton plongeon, tu sais que ça va être violent. Tu as juste un peu moins mal ! À cette vitesse, l’eau devient du béton et le moindre degré vertical parasite a l’effet d’un coup de matraque Crédit photo © Dean Treml Comment prendre du plaisir dans un sport où l’on sait que la douleur à l’impact est inévitable ; lorsque l’on sait que, quoi qu’il arrive, quelques secondes plus tard, on va souffrir ? Déjà, on ne monte pas directement à 27 m. C’est l’aboutissement d’un long processus d’apprentissage. On s’habitude d’abord à l’impact sur des hauteurs inférieures et on développe des compétences pour appréhender et digérer l’impact. Ensuite, chaque saut est l’objet d’un vrai dialogue intérieur entre le cerveau, qui déconseille d’y aller, et le corps, qui se prépare à souffrir. Mais en réalité, ce qui nous pousse c’est l’anticipation de ces secondes de bonheur que l’on va connaître une fois dans l’air et ce sentiment incomparable de satisfaction qui va nous envahir lorsque l’on va remonter à la surface de l’eau… Le haut-vol est un sport extrême. Le meilleur plongeur est-il celui qui maitrise le mieux sa peur ? D’autres facteurs comme la dimension créative et les capacités physiques entrent en jeu, mais la gestion des émotions apparait clairement comme l’un des points-clés… Un temps C’est marrant car, jeune, je me suis fait la promesse de ne jamais exercer un boulot qui pouvait générer du stress, à contrario de mon père que j’ai vu rongé par l’anxiété d’un poste à responsabilités. Aujourd’hui je réalise qu’en réalité, mon métier, c’est gérer la peur. Crédit photo © Dean Treml Chaque saut est l’objet d’un dialogue intérieur entre le cerveau, qui déconseille d’y aller, et le corps, qui se prépare à souffrir. Crédit photo © Ricardo Nascimento Pouvez-vous nous confier la manière dont vous gérez cette peur ? À quoi pensez-vous lorsque vous vous retrouvez là-haut sur la plateforme, et que vous jetez un coup d’œil sur le vide sous vos pieds ? Chaque plongeur a sa méthode pour gérer la peur. C’est très personnel. Pour ma part, j’ai construit un socle de sérénité grâce à mon expérience sur le circuit.’ J'ai bâti un processus mental qui consiste à mentir à mon corps en quelque sorte. En anglais, il y a un proverbe qui résume bien cette attitude Fake it until you make it. En gros, fais comme si tu étais convaincu de réussir jusqu’à ce que tu aies effectivement réussi. Jouer ce rôle d’acteur, feindre une grande confiance en moi, cela m’aide à m’élancer. Ensuite, une fois que je suis dans les airs, la peur me quitte instantanément. Je n’ai plus aucune appréhension. Je me concentre à 100% sur les figures que j’ai à réaliser et je prépare ma réception dans l’eau. Peut-on considérer que les plongeurs de haut-vol sont si souvent confrontés à la peur qu’ils en deviennent des philosophes ? C’est quoi la peur pour toi ? Sourire J’aimerais un jour écrire sur ce sujet, car je pense que, dans notre sport, nous déployons une perspective unique à cet égard. Pour moi, la peur c’est la sécurité, ce qui me force à rester extrêmement concentré. Si je n’avais pas peur, j’oserais tout, je prendrais tous les risques. C’est le sentiment qui me rend rationnel et raisonnable. Mais c’est aussi celui qui me pousse à m’entrainer comme un acharné chaque jour. La peur, si elle ne devient pas inhibante, se révèle un formidable vecteur de progression. Elle mute en ce moteur qui te pousse à surmonter les obstacles et explorer tes limites. Dis Gary, ça se déroule comment une compétition de Red Bull Chaque manche s’étend sur 2 journées consécutives, avec une totalité de 4 plongeons à réaliser. Le premier jour est réservé à 2 plongeons de difficulté raisonnable ou intermédiaire d’un point de vue technique afin de mettre en avant la grâce et la fluidité. Le deuxième jour propose 2 plongeons dits libres. Ces 4 sauts sont notés par 5 juges, de 0 à 10, avec une pondération de chaque marque en fonction du niveau de difficulté. Par souci de partialité, on enlève la note la plus haute ainsi que la plus basse pour calculer la moyenne des 3 restantes. » La carte postale du serial-globe plongeur Crédit photo © Ricardo Nascimento Ton spot de plongeon préféré ? Le gouffre de Cenote Ik Kil, au Mexique. Une formation rocheuse naturelle de 60 m de large et 39 m de profondeur à laquelle on attribue des pouvoirs sacrés. On a vraiment l’impression de plonger dans un trou, entouré d’arbres exotiques. L’épreuve de La Rochelle fut également magique. Les conditions étaient dures - pluie, vent, froid - mais il y avait 70 000 personnes au sol pour nous encourager. Le spot le plus singulier ? J’ai toujours trouvé que plonger dans les villes était très spectaculaire car on adjoint une dimension culturelle au spectacle. Sauter face au Kremlin de Kazan, au Parlement de Budapest ou au Musée Guggenheim de Bilbao, ça fait quelque chose. Le Kitzbühel du plongeon le spot qui fait le plus peur ? Le Serpent’s Lair, sur la côte atlantique irlandaise, est très déstabilisant. Les conditions capricieuses, sont typiquement britanniques. On plonge dans cette petite piscine naturelle creusée dans un rocher abrupt et abrasif. La veille de la compétition, les vagues sont généralement énormes… Il faut y être fort mentalement. Le spot avec lequel tu as un contentieux ? Pendant longtemps, ce fut Mostar en Bosnie-Herzégovine. J’avais du mal à gérer le fait que l’eau soit en mouvement, puisqu’on y plonge dans une rivière avec un fort courant. En 2019, les organisateurs m’ont souligné que je n’avais jamais gagné une compétition s’élançant depuis un pont ça m’a piqué et j’ai réparé cette erreur ! Le plongeon dont tu es le plus fier ? Mon dernier plongeon aux Championnats du Monde en Corée du Sud, en 2019. Je n’étais pas en tête au classement. Je savais que je devais atteindre la perfection pour espérer décrocher le titre et j’ai réussi un 10/10 de moyenne au moment où il le fallait. Tarzan, Jeux Olympiques et Brexit Crédit photo © Romina Amato À quoi tu penses lorsque la peur te quitte et que tu te retrouves pendant 3 secondes suspendu dans les airs ? Au quotidien, mon cerveau est ouvert à différents types de pensées qui vont et viennent en toute liberté. En revanche, quand je plonge, je verrouille tout et j’enclenche le mode automatique pour que mon corps et mon esprit fonctionnent en parfaite symbiose. Ceci afin que le premier réagisse instantanément à ce que lui ordonne le second. Une pensée parasite risquerait de mettre de la friture sur la ligne, de créer une microseconde de latence entre les deux, et là, c’est le coup de matraque assuré au moment de pénétrer dans l’eau. Parfois, je vois des choses lors de ces 3 secondes -un paysage, un détail, un oiseau - mais ce n’est qu’après que j’assimile l’information et m’en souviens… Quel est ton moment préféré lors d’un plongeon ? L’instant où l’on saute - lorsque l’on prend son envol est exceptionnel. On laisse sa peur et ses doutes derrière soi. On se drape automatiquement de certitudes, comme si une vague de confiance en soi et de liberté déferlait… La seconde que l’on passe sous l’eau, lorsque l’on perd toute notre vitesse pour finalement remonter avec les petites bulles à la surface, vaut elle aussi le détour. On est alors saisi d’un soulagement et d’une satisfaction proportionnels au stress ressenti… Est-ce cette sensation que tu ne retrouves nulle part ailleurs qui te permet de conserver une motivation intacte, à 37 ans, alors que tu as déjà tout gagné ? Ma motivation principale, c’est d’inventer de nouvelles choses, tenter des mouvements que jamais personne n’a réussi. Le plongeon, c’est mon art l’endroit où je peux créer et m’exprimer ! Étant parmi les leaders de ma discipline, j’estime qu’il en va de mon devoir d’innover et de tirer mon sport vers le haut. Un temps de réflexion La perspective olympique constitue également un puissant leitmotiv. J’espérais que le haut-vol intègre les JO. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Par conséquent, j’ai décidé de revenir à mon premier amour et tenter ma chance à 10 m. Le fait que les JO se tiennent à Paris en 2024 décuple ma détermination comme jamais. Ce fut un argument qui a pesé lourd dans mon choix d’opter pour la nationalité française. Aujourd’hui je me rends compte, qu’en réalité, mon métier, c’est gérer la peur Crédit photo © Romina Amato C’était l’objet de notre dernière question pourquoi as-tu décidé d’opter pour la nationalité française plutôt que britannique en 2019 ? Ce choix se situe au confluent d’une pluralité de raisons. Tout d’abord, ma femme - que j’ai rencontré dans un parc aquatique où l’on réalisait des exhibitions, elle dans le rôle de Jane et moi dans celui de Tarzan - est française. Je suis donc venu m’installer en région parisienne, où je vis et m’entraîne, à la piscine de Montreuil, il y a plus d’une décennie. Ensuite, j’appréhendais de plus en plus mal le fait de ne pouvoir partager les victoires comme les défaites avec mes partenaires d’entrainement dont je suis devenu très proche. Ne pas concourir pour le même maillot a créé un décalage que j’avais du mal à assimiler. Le Brexit et la complexité d’obtenir des visas sont venus s’ajouter à cela. Enfin, la possibilité de pouvoir concourir à la maison, sous bannière tricolore, aux JO de Paris 2024, a fini de me convaincre. De Baptiste Chassagne Introduction1Les sports olympiques, et la natation de compétition en particulier, offrent une occasion exceptionnellement claire pour étudier la nature de l’excellence. Dans d’autres champs, il peut être moins facile de dire quels sont les performers d’exception le peintre ou le pianiste le plus brillant, le businessman le plus productif, la serveuse la plus attentionnée ou le meilleur des pères. Mais, dans le sport et c’est là un de ses charmes, le succès est défini plus exactement, par le succès dans des compétitions. Il y a des médailles, des rubans et des coupes pour les premières, secondes et troisièmes places ; des matches sont organisés pour faire se rencontrer les meilleurs compétiteurs du monde ; en natation et en athlétisme, les temps sont mesurés électroniquement au centième de seconde près ; il y a des statistiques publiées et des classements annoncés chaque mois ou chaque semaine. A la fin des Jeux olympiques, tous les quatre ans, on sait clairement qui a gagné et qui a perdu, qui est allé en finale, qui a été sélectionné pour les Jeux, et qui n’a jamais participé aux compétitions sportives. 2Au sein de la natation de compétition tout spécialement, une stratification tranchée existe, non seulement entre les individus mais aussi bien entre les niveaux définis dans ce sport. Au niveau inférieur, on a les équipes de clubs de campagne, qui fonctionnent pendant la saison estivale dans le cadre de tournois organisés de manière peu formelle, et modérément compétitifs. Au-dessus, il y a des équipes qui représentent des villes entières et qui concourent contre d’autres équipes représentant d’autres villes de l’Etat ou de la région ensuite, le niveau de compétition National Junior » qui aligne les meilleurs jeunes athlètes en dessous de 18 ans ; puis, le niveau National Senior tous âges, les meilleurs du pays et, finalement, les champions qu’on peut appeler de classe olympique ou mondiale. A chacun de ces niveaux, on trouve, de manière prévisible, certains individus en compétition tel athlète nage dans un tournoi d’été, et ne rencontre jamais les nageurs d’autres villes tel nageur peut être régulièrement qualifié pour des épreuves Nationales Junior, mais pas pour les épreuves Senior un troisième peut nager aux Jeux, mais ne jamais retourner dans les épreuves Nationales Junior. Les niveaux du sport sont remarquablement distincts les uns des autres. 3C’est pratique pour celui qui étudie la stratification. Comme le succès en natation est bien définissable, et le système de stratification relativement peu ambigu si bien que le progrès d’un athlète peut être aisément mesuré, nous pouvons clairement voir, en comparant les niveaux et en étudiant les individus dans leurs déplacements entre, et au sein, des niveaux, ce qui produit exactement l’excellence. En outre, les carrières en natation sont relativement courtes on peut obtenir des succès remarquables en peu de temps. Rowdy Gaines, débutant en sport à 17 ans, est passé directement d’un club local au record du monde dans un 100 mètres nage libre en seulement trois années. Cela permet au chercheur de mener une véritable recherche longitudinale en peu de temps. 4Bref, en natation compétitive, on peut apprendre assez vite quelque chose à propos de la stratification c’est un lieu privilégié pour étudier la nature de l’excellence. 5L’approche suivie ici s’inscrit dans l’interactionnisme symbolique et la phénoménologie, tels qu’ils sont définis par Peter Berger et Thomas Luckmann, Herbert Blumer et Alfred Schutz [2]. La littérature de sociologie du sport est pauvre sur la natation on s’appuiera sur des classiques et quelques travaux récents [3].La recherche6De janvier 1983 à août 1984, j’ai assisté à une série de rencontres de natation, de classe nationale et internationale, organisées par United States Swimming, Inc. USS, l’instance dirigeante nationale pour cette discipline. United States Swimming contrôle le processus de sélection des équipes américaines pour les rencontres internationales tels les Jeux olympiques, et accrédite plusieurs milliers de clubs amateurs dans tout le pays, réunissant plusieurs centaines de milliers d’athlètes, en majorité des enfants et des adolescents. Ces clubs fournissent la base organisationnelle de la natation amateure en Amérique. Les compétitions suivies comprenaient à la fois des rencontres indoor et des Championnats nationaux outdoor, le meeting International de l’USS, le tournoi des Champions du magazine Seventeen, le meeting des Champions Speedo / Dupont, les rencontres préparatoires aux Jeux de 1984 et les Jeux olympiques de 1984 eux-mêmes. J’avais une accréditation de journaliste et j’étais libre de me déplacer et de parler à qui je voulais. Dans la plupart des déplacements, je voyageais avec los Nadadores les Nageurs de Mission Viejo Californie, champions par équipe des Etats-Unis à l’époque, partageant leur vie lors des transferts en avion, à l’hôtel, pour les repas et en ville. J’ai vécu avec les entraîneurs et les athlètes de cette équipe en assumant le rôle traditionnel d’observateur participant. Il était explicite pour tout le monde que j’étais là en tant que chercheur il n’y a eu aucune tromperie à aucun moment de l’enquête. Durant cette phase et par la suite, j’ai interviewé un total de quelque 120 nageurs et entraîneurs de classe nationale et mondiale [4]. 7Pendant ces années, j’ai fréquemment passé de trois jours à un mois et demi à Mission Viejo à une heure de route, au sud de Los Angeles en côtoyant les entraîneurs, visitant les installations et interviewant nageurs, entraîneurs et officiels. Le club des Nageurs m’a ouvert complètement l’accès aux lieux de pratique, aux séances de musculation, aux réunions d’équipe, aux soirées et autres évènements. De plus, j’étais présent à Mission Viejo pendant le stage de Préparation olympique qui s’est tenu là en juillet 1984, et j’étais le seul non-membre du club au bord des bassins pendant les après-midis d’entraînement à huis clos de l’équipe olympique. En outre, je viens d’achever cinq années comme entraîneur d’une équipe de nageurs de niveau d’âge régional 7-16 ans dans l’Etat de New York. Dans cette fonction, je me suis rendu à de nombreux meetings, depuis la réunion du plus petit club de campagne dans le Championnat de la Zone Est, jusqu’aux grands meetings de la Mississipi River. J’ai aussi entraîné dans le sud des Etats-Unis, et travaillé avec des débutants comme avec des détenteurs de records du groupe d’âge National. 8Bref, ce compte-rendu repose sur une expérience durable partagée avec les nageurs à tous les niveaux d’habileté, pendant une demi-douzaine d’années. L’observation a couvert l’ensemble des carrières, et j’ai eu la chance de comparer, non seulement des athlètes appartenant au même niveau perception que la plupart des entraîneurs partagent, mais entre les niveaux les plus contrastés. De ce fait, les analyses évitent l’habituel problème de sociologie de la connaissance » de l’observateur uniquement familiarisé avec les athlètes d’un seul niveau. Quand des entraîneurs de haut-niveau, par exemple, discutent de ce qui permet le succès, ils pensent souvent à des différences entre les athlètes qu’ils observent dans le haut-niveau. Leur ignorance des réalités quotidiennes des niveaux inférieurs programmes d’apprentissage de la nage, équipes de clubs de campagne les empêche d’avoir une vision véritablement comparative. Ou quand des journalistes sportifs écrivent à propos des athlètes qualifiés aux Jeux, ils commencent de manière typique la recherche une fois que les actions décisives ont eu lieu, et ils manquent d’une véritable perspective longitudinale ; la mémorisation par le nageur de son histoire passée subira des distorsions. 9Cette étude des nageurs olympiques, à l’opposé, 1 observe différents niveaux du sport, et 2 a été engagé bien avant les Jeux, alors que personne ne connaissait évidemment qui gagnerait et qui ne gagnerait pas elle fut conçue avec le projet explicite de voir comment la plante pousse avant que la fleur ne s’épanouisse. Le résultat est à la fois transversal en observant tous les niveaux du sport et longitudinal couvrant l’étendue des carrières.10Par excellence », j’entends une supériorité durable des performances ». L’athlète qui excelle réalise régulièrement, voire de manière routinière, des performances meilleures que celles de ses concurrentes. La permanence des performances supérieures indique qu’un athlète est véritablement meilleur qu’un autre, et que la différence entre eux n’est pas le produit de la chance. Cette définition s’applique à tous les niveaux du sport, et différencie les athlètes. La supériorité discutée ici peut être celle d’un nageur sur un autre, ou de tous les athlètes d’un niveau disons, le niveau olympique sur un autre niveau. Par cette définition, nous ne sommes pas contraints de juger une performance à l’aune d’un critère absolu, mais seulement par rapport à d’autres performances. Il y a des leaders reconnus dans toute équipe, tout comme il y a des équipes largement reconnues comme dominantes. 11Pour présenter ce que sont les sources de l’excellence pour des athlètes olympiques, je dois suggérer tout d’abord – réservant la démonstration pour plus tard – ce qui ne produit pas l’ n’est pas, selon mes résultats, le produit de personnalités socialement déviantes. Ces nageurs ne semblent pas être des hurluberlus », ni des sauvages » des gosses qui ont abandonné la vie normale des teenagers » [5]. Si leurs comportements résultent de traits de personnalité, ces traits ne sont pas évidents. Peut-être est-ce vrai, comme le veut la mythologie des sports, que les meilleurs athlètes ont plus confiance en eux-mêmes bien que ce point soit discutable ; mais une telle confiance pourrait être un effet de la réussite, non une cause de celle-ci [6].L’excellence ne résulte pas de changements quantitatifs du comportement. Une augmentation du temps d’entraînement, per se, ne fait pas nager plus vite, et n’améliore pas la préparation psychologique, de même que de mouvoir les bras plus vite. Faire simplement davantage du même ne conduit pas à une élévation du niveau en ne résulte pas de quelque qualité intime spéciale de l’athlète. Le talent » est le mot usuel pour cette qualité parfois, on parle de don », ou d’ aptitude naturelle ». Ces termes sont employés pour mystifier les procédés terre-à-terre de la réussite en sport, nous éloignant d’une analyse réaliste des facteurs concrets qui mènent à la performance superlative, et nous protégeant du sentiment de responsabilité face à nos propres alors, d’où vient l’excellence, la supériorité régulière des performances ?I – L’excellence suppose une différenciation qualitative12L’excellence dans la natation de compétition est atteinte par le biais d’une différenciation qualitative avec les autres nageurs, et non au moyen d’une augmentation quantitative de l’activité. Cela signifie, en bref, que les niveaux du sport sont qualitativement distincts la stratification est discrète, non continue ; et, du fait de ces caractéristiques, l’univers de la natation se présente comme une multiplicité de mondes, plutôt que comme une entité unique, chacun de ces mondes ayant ses formes de comportements. 13Avant de détailler ces points, je dois éclaircir ce qu’on entend par quantitatif » et qualitatif ». Par quantité, nous entendons le nombre ou le montant de quelque chose. Une amélioration quantitative suppose l’accroissement du nombre d’une des choses que l’on fait. Un athlète qui s’entraîne 2 heures par jour et augmente cette activité à 4 heures a accompli un changement quantitatif de comportement. Ou, une nageuse qui nage 5 miles et passe à 7 miles. Elle fait davantage de la même chose. Ou encore, un nageur de style libre qui, tout en conservant la même technique de crawl, déplace ses bras à un nombre plus élevé de mouvements par minute, a effectué un changement quantitatif. Une amélioration quantitative implique de faire davantage de la même chose. 14Par qualité, par contre, nous entendons le caractère ou la nature de la chose. Un changement qualitatif suppose de modifier ce qui est actuellement fait, et pas seulement d’en faire plus. Pour un nageur, un changement de qualité dans sa technique de brasse consisterait à écarter mouvement de godille les bras vers les côtés extérieurs plutôt que de les tirer directement vers l’arrière ; ou, au lieu de se soulever hors de l’eau au moment du virage, de rester près de la surface. Les autres changements qualitatifs comprennent d’aller concourir dans un meeting régional, au lieu de rester dans un meeting local ; manger des légumes et absorber des hydrates de carbone plutôt que des graisses et des sucres ; s’inscrire à un événement de niveau plus faible plutôt qu’à un plus fort ; apprendre à faire un virage culbute en crawl plutôt que de se retourner et de pousser le bord ; ou de s’entraîner à un niveau d’intensité quasi-compétitif plutôt qu’irrégulièrement. Chacun d’entre eux implique de faire les choses différemment qu’avant, pas nécessairement de faire plus. Une amélioration qualitative suppose de faire des sortes de choses différentes. 15Ensuite, nous pouvons examiner comment une différenciation qualitative devient manifeste. 16* Les différents niveaux du sport sont qualitativement distincts. Les champions olympiques ne font pas seulement davantage de la même chose que les nageurs des clubs de campagne des tournois d’été. Ils ne font pas que nager plus d’heures, ou mouvoir leurs bras plus vite, ou suivre un plus grand nombre d’entraînements. Ce qui les rend plus rapides ne peut être comparé quantitativement aux nageurs de niveau inférieur, parce que même s’il y a des différences quantitatives – et certainement il y en a, par exemple dans le nombre d’heures passées à s’entraîner –, elles ne sont pas du tout, je pense, le facteur décisif [7]. 17Au lieu de cela, ils font les choses différemment. Leurs brasses sont différentes, leurs attitudes sont différentes, leurs groupes d’amis sont différents ; leurs parents ont un rapport au sport différent, les nageurs se préparent différemment pour leurs courses, et ils s’inscrivent dans des catégories de meetings et de réunions différentes. Il y a de multiples discontinuités de cette sorte entre, disons, les nageurs engagés dans les compétitions des Championnats de la Ville du coin et ceux qui participent aux compétitions pré-olympiques. Il faut prendre en considération trois types de différences. 181 La technique. Les styles de mouvements, de plongeon et de virage sont radicalement différents aux différents niveaux. Au niveau C » le plus bas dans le système de classement de l’United States Swimming, une nageuse de brasse tend à ramener ses bras loin derrière elle, à battre des jambes largement sans les ramener ensemble à la fin, à se maintenir assez haut hors de l’eau dans le virage, à manquer de prendre une grande impulsion après le virage, et toucher d’une seule main lors du finish. Par comparaison, un nageur de haut niveau AAAA », en brasse, écarte les bras vers les côtés extérieurs puis les ramène vers l’intérieur contre la poitrine d’un mouvement très similaire à un balayage ne tirant jamais les bras de l’avant vers l’arrière, produit des battements à faible amplitude et avec les pieds qui reviennent ensemble, reste en position immergée dans les virages, prend une longue impulsion sous l’eau après le virage et touche la ligne de finish des deux mains. Non seulement les mouvements sont différents, mais ils sont si différents qu’un nageur C » serait étonné de voir à quoi un nageur AAAA » ressemble quand il nage. L’apparence elle-même est dramatiquement différente, tout comme la vitesse à laquelle il nage. Il en va de même pour les autres nages à un degré plus ou moins élevé, et certainement pour les départs plongeons et les virages. Pour apporter une autre observation, les nageurs de niveau olympique sont étonnamment silencieux quand ils plongent – ça fait un petit splash ». Inutile de dire qu’avec un débutant de 10 ans, il n’en va pas de même. 192 La discipline. Les meilleurs nageurs sont les plus stricts avec leur entraînement, venant aux séances à l’heure, faisant soigneusement les mouvements canoniques de la nage compétitive sans violer les règles techniques de la discipline [8], surveillant ce qu’ils mangent, dormant avec régularité, faisant les échauffements adéquats avant les épreuves, et ainsi de suite. Leur énergie est soigneusement canalisée. Le plongeur Greg Louganis, qui remporta deux médailles d’or aux Jeux de 1984, pratiquait seulement trois heures par jour – ce qui n’est pas un long temps – divisées en deux ou trois sessions. Mais, durant chaque session, il essaye de faire en sorte que chaque plongeon soit parfait. Louganis ne bâcle jamais durant l’entraînement, et de même il ne bâcle pas en compétition [9]. 203 L’attitude. Aux plus hauts niveaux de la natation compétitive, quelque chose comme une inversion d’attitude prend place. Les aspects mêmes du sport que le nageur de classe C » trouve astreignants, le nageur de haut-niveau les apprécie. Ce que les autres perçoivent comme ennuyeux – disons, nager de long en large, le long d’une ligne d’eau – ils le trouvent paisible, voire méditatif [10], le prennent souvent comme un défi, ou comme une thérapie. Ils savourent les tâches les plus dures, se projettent vers les compétitions les plus difficiles, essayent de se fixer des buts exigeants. Venant pour l’entraînement de 17h30 à Mission Viejo, de nombreux nageurs arrivaient frais, rigolards, bavardant, savourant la vie, appréciant peut-être le fait que la plupart des gens auraient positivement détesté faire cela. Il est faux de croire que les athlètes d’élite endurent de grands sacrifices pour parvenir à leurs fins. Souvent, ils ne perçoivent pas ce qu’ils font comme un sacrifice. Ils aiment ça [11]. 21Ces différences qualitatives sont ce qui distingue les niveaux du sport. Elles sont très nettes, tandis que les différences quantitatives entre les niveaux, aussi bien dans l’entraînement que dans la compétition, peuvent être étonnamment faibles en vérité. David Hemery, qui gagna une médaille d’or au 400 mètres haies aux Jeux de 1968, a recueilli des interviews d’athlètes de classe mondiale dans 22 disciplines différentes. La plupart du temps, le temps passé à s’entraîner un facteur quantitatif, dans notre analyse ne change pas significativement depuis le début de leur spécialisation jusqu’au haut niveau ». Malgré tout, de petites différences quantitatives dans les performances peuvent être liées à de très grandes différences qualitatives dans la finale du 100 mètres nage libre hommes des Jeux de 1984, Rowdy Gaines, le vainqueur, finit devant Mark Stockwell, le second, avec 44 centièmes de seconde d’avance, soit 0,8%. Entre Gaines et le nageur classé huitième pratiquement inconnu, Dirk Korthals, d’Allemagne de l’Ouest, il y avait seulement 2,2% de différence de temps. En fait, entre Rowdy Gaines, le nageur le plus rapide du monde cette année-là, et un champion dans la catégorie des dix ans, la différence quantitative en vitesse n’est que de 30%. Encore une fois ici, comme dans bien des cas, une différence quantitative plutôt faible produit une différence qualitative énorme. Gaines fut nettement un vainqueur des plus grandes compétitions internationales, détenteur du record du monde et de médailles d’or au cours de trois Jeux olympiques. 22* La stratification du sport est discrète, non continue. Entre les niveaux du sport, il y a des ruptures – ou discontinuités – significatives. Cela inclut des différences dans les attitudes, la discipline et la technique qui, en retour, produisent des différences de rapidité, petites, mais conséquentes. Des équipes toutes entières présentent de telles différences quant à l’attitude, la discipline et la technique qu’elles paraissent véritablement liées » à certains niveaux [12]. Certaines équipes réussissent toujours bien à certains niveaux du Championnat National, d’autres au niveau Régional, d’autres aux rencontres locales. Et, assurément, certains nageurs restent typiquement au sein d’un même niveau tout au long de leur carrière, conservant durant toute cette carrière les mêmes habitudes qu’ils avaient à leurs débuts. Au sein d’un niveau, les améliorations en termes de compétition pour de tels nageurs sont typiquement marginales, reflétant surtout les écarts différentiels de croissance au tout début de la puberté, par ex. ou les manœuvres pour être sélectionné dans la petite sphère de leur niveau. 23Je suggère ici que les athlètes n’atteignent pas le plus haut-niveau simplement par un processus de progression, en accumulant purement du temps dans la pratique ; les améliorations d’un niveau à l’autre ne résultent pas de changements quantitatifs. Aucune quantité de travail supplémentaire en soi ne transformera un nageur de classe C » en un nageur AAAA » sans qu’il y ait concurremment des changements qualitatifs dans la manière de faire ce travail. Au-delà d’une amélioration initiale de la force, de la souplesse et des sensations, il y a peu de gains de vitesse à réaliser à travers une simple augmentation du volume d’entraînement. Au contraire, les athlètes parviennent aux plus hauts niveaux grâce à des sauts qualitatifs des changements notables dans leur technique, la discipline et les attitudes, réalisés journellement à travers un changement de cadre, e. g. en se joignant à un nouveau groupe avec un nouvel entraîneur, de nouveaux amis, etc. qui travaillent à un plus haut niveau. Sans ces sauts qualitatifs, aucune amélioration majeure ascension dans les niveaux de la compétition ne se produira. 24Nous rencontrons le même phénomène dans d’autres domaines d’action. Carl von Clausewitz, l’auteur d’un traité de stratégie militaire classique du XIXe siècle, De la Guerre, note que les grands généraux et il aurait pu ajouter, les grands nageurs et entraîneurs montent en grade rapidement. Spécialement pendant les périodes de guerre, quand le résultat sur le champ de bataille est une nécessité vitale, il n’y a pas de longue période d’apprentissage avant d’atteindre les plus hauts rangs, ni d’ accumulation » ennuyeuse de savoirs ou d’habiletés 25 Les grands généraux ne sont jamais issus de la caste des officiers érudits, ou des savants. La plupart du temps, leur situation ne les avait guère mis en mesure d’accumuler de vastes connaissances… Il n’y a pas d’activité de l’intelligence humaine possible sans l’acquisition d’un ensemble de notions. Il s’agit donc seulement de savoir de quelle espèce doivent être ces notions. » [13] 26Le même schéma vaut pour la vie universitaire. Les figures majeures d’une discipline ne sont pas ceux qui ont la quantité de production la plus grande – bien que cela puisse donner un avantage à ceux qui sont largement lus – mais plutôt ceux qui écrivent des articles et des livres d’une qualité ou d’un genre tel qu’ils sont largement lus et commentés. Jamais le simple nombre de papiers présentés dans des conférences locales ou publiés dans des journaux mineurs ne sera équivalent à une Médaille d’or du CNRS en sociologie [14] ou à un article dans Deadalus [15]. Au niveau micro, augmenter simplement le nombre d’heures de travail fait chaque jour ne produira aucun changement majeur de statut si le genre de travail fait reste le même. 27Cela reste difficile à croire complètement. Cela semble contredire notre sens commun », ce que nous voyons dans notre expérience quotidienne. Le fait est que, quand autour de nous les gens en font davantage, ils tendent à faire mieux. Quand on joue une partie de football le weekend, un simple accroissement des efforts par exemple en marquant en permanence un adversaire conduit à une meilleure réussite Cette bande de mecs va-t-elle se saigner, juste pour finir aller boire une bière ? ». On dit aux enfants dans les championnats scolaires – et leurs entraîneurs finissent par le croire – que travailler dur est la première cause de la réussite [16], et les entraîneurs de natation partagent largement la croyance que ceux qui sont dans le sport le plus long temps et nagent tout au long de l’année ont le plus de succès. Les entraîneurs de haut-niveau américains sont pris dans le même préjugé, attribuant souvent la réussite au dur labeur » ou au talent ». Comme ils vivent, de manière non-réflexive, dans le haut-niveau ayant effectué là presque toute leur carrière d’entraîneur, ils ne voient jamais ce qui crée les différences entre les niveaux. Le fait est que les changements quantitatifs apportent la réussite – mais seulement au sein d’un niveau dans la discipline [17]. Faire plus du même apporte quelques bénéfices, mais seulement sous une forme limitée, localisée. On peut s’assurer un mince avantage sur ses pairs en faisant plus sans changer la qualité de ce qui est fait. 28Ayant vu que le plus est le mieux » au sein de situations locales, nous essayons d’extrapoler [18]. Si je travaille dur ce point pour atteindre mon niveau, avec quelle dureté les nageurs olympiques devront-ils travailler ? Si je fais tel sacrifice pour me qualifier pour les Championnats de l’Etat, quel sacrifice doivent-ils faire ? On croit, en extrapolant à partir de ce que l’on a appris à propos de la réussite à son propre niveau, qu’ils doivent travailler de manière incroyablement dure, qu’ils doivent ressentir une pression formidable, qu’ils doivent faire de plus en plus de sacrifices pour réussir. Supposant implicitement que la stratification en sport est continue plutôt que discrète que les différences sont quantitatives, on croit que les athlètes de haut-niveau font des choses incroyables. En bref, on croit qu’ils doivent être surhumains. 29* Ce sont réellement plusieurs mondes, chacun avec ses modèles de conduite. L’analyse développée ci-dessus peut être poussée un cran plus avant. Si, comme je l’ai suggéré, il y a réellement des ruptures qualitatives entre les niveaux du sport, et si les gens ne font pas leur chemin vers la gloire » simplement dans un sens additif, peut-être que notre conception d’un seul monde de la natation est inappropriée. J’ai parlé du sommet » du sport, et de niveaux » au sein du sport. Ces mots suggèrent que tous les nageurs sont, à proprement parler, en train de monter la même échelle, visant les mêmes buts, partageant les mêmes valeurs, nageant les mêmes nages, tous aspirant à la médaille d’or olympique. Mais ils ne le sont pas [19]. Certains veulent des médailles d’or, d’autres veulent appartenir à la sélection nationale, d’autres veulent de l’exercice, ou se marrer avec des potes, ou être en plein air, au soleil et dans l’eau. Certains essaient d’échapper à leur famille. Les images de l’élite » et des niveaux » de la natation que j’ai employées jusqu’ici sont le reflet de la domination d’une certaine fraction de nageurs et d’entraîneurs dans le sport l’élite est ce qu’ils considèrent comme l’élite, et leur définition du succès est celle qui a le plus largement cours dans United States Swimming. Les nageurs les plus rapides considèrent comme allant de soi que ce qui est rapide est le meilleur – plutôt que, par exemple, le plus beau qui soit le meilleur ; ou que l’implication des parents est ce qu’il y a de mieux ; ou que les enfants bien dans leur corps » quelque soit la signification de ceci, c’est le mieux. La terminologie elle-même, élite » et niveau », réifie le système de classement en vigueur. 30Une telle réification n’est pas seulement suspecte d’un point de vue analytique, elle est aussi incorrecte au plan empirique. La plupart des nageurs n’ont pas envie de gagner une médaille olympique. Quelques-uns peuvent avoir, au mieux, un vague désir, non-suivi d’actes, d’aller un jour aux Championnats Nationaux. Bien sûr, si un adulte demande à un enfant ce qu’il veut accomplir en nageant, l’enfant répondra je veux devenir Champion olympique », mais c’est davantage pour impressionner ou pour faire plaisir aux adultes que pour annoncer les intentions personnelles de l’enfant. Quand les athlètes les plus jeunes parlent de ce genre de sujet, c’est pour partager des rêves, pas pour annoncer des plans ; et les fantasmes sont plus souvent appréciés dans leur irréalité que dans leur réalisation. 31Aussi, nous devons envisager non un monde de la natation, mais de multiples mondes [20] et changer de monde est une étape importante vers l’excellence, une différenciation verticale plutôt qu’horizontale du sport. Ce que j’ai appelé des niveaux » est mieux décrit comme des mondes » ou des sphères ». Dans certains de ces mondes, les parents sont vaguement impliqués, les entraîneurs sont des adolescents employés comme des surveillants, les pratiques ont lieu peu de fois dans la semaine, les compétitions sont programmées peut-être une semaine à l’avance, la saison dure quelques semaines pendant l’été, et les nageurs qui sont plus nettement rapides que les autres peuvent être découragés par la pression sociale d’aller en compétition, parce qu’ils trouvent le plaisir en dehors d’elle [21]. Le grand événement de la saison est le Championnat de la Ville, quand les enfants de toute l’aire métropolitaine viennent passer deux jours à concourir les uns et les autres dans de multiples épreuves, et le reste du temps demeurent assis sous de grandes tentes à jouer aux cartes, lire, écouter de la musique, et bavarder. Dans un autre monde, les entraîneurs sont très puissants, les parents ne sont aperçus qu’occasionnellement et jamais sur les bords de bassin, les nageurs voyagent sur des milliers de kilomètres pour participer à des rencontres, ils nagent six jours par semaine pendant des années en continu, et les plus rapides parmi eux sont objets de respect et de louanges. Le grand événement dans la saison peut être le Championnat National, où les athlètes passent beaucoup de temps – s’asseyant sous de grandes tentes, jouant aux cartes, lisant, écoutant de la musique et bavardant [22]. 32Chacun de ces mondes enferme une figure de personnage puissant et d’athlète dominant, et occuper une position prédominante dans un monde ne garantit pas d’en avoir une dans un autre [23]. Aux niveaux les plus modestes, les parents des nageurs ont voix au chapitre ; au plus haut niveau, les entraîneurs ; peut-être dans les équipes de Maîtres, qui sont composées de nageurs de plus de 25 ans, les nageurs eux-mêmes [24]. Chaque monde a des buts distincts aller aux Jeux olympiques, faire un bon temps aux Championnats nationaux, gagner un tournoi local, avoir du bon temps dans les semaines qui viennent. Dans chaque monde, les techniques sont au moins quelque peu différentes comme pour le geste de brasse, discuté plus haut et les familles et les amis ont leur rôle. Sous tous ces rapports, et bien d’autres encore, chaque soit-disant niveau » de la natation compétitive est différent des autres. Les différences ne sont pas de simples écarts quantifiables dans un espace unidimensionnel menant vers les Jeux olympiques. Les objectifs sont variés, les participants ont des engagements multiples, les techniques se mélangent [25]. 33Cette notion de différenciation horizontale du sport – des mondes séparés au sein de la natation compétitive, plutôt qu’une hiérarchie – peut paraître réfutée par le fait évident que monter» jusqu’au niveau olympique est très difficile, alors que redescendre » est apparemment facile, comme si une force de gravité s’exerçait. Nous savons tous que l’on ne devient pas champion olympique en un jour. Il faut du temps pour acquérir toutes ces habiletés, saisir les techniques, développer l’envie de gagner, changer ses attitudes, se soumettre à la discipline. Le travail physique, ainsi que les ajustements psychologiques et sociaux sont conséquents. Cette difficulté suggère l’idée d’une relation asymétrique entre ces mondes. 34Moins évident, cependant, est le fait que revenir au point de départ » est difficile pratiquement. Premièrement, les techniques, une fois apprises et incorporées, ne se détériorent pas en un jour. Un assez grand nombre de nageurs, des années après s’être retirés de la compétition, peuvent revenir et, avec quelques mois d’entraînement, faire de bonnes choses. En 1972, une certaine Sandra Nielson, 16 ans, gagnait trois médailles d’or aux Jeux de Munich en natation. En 1984, atteignant juste ses 29 ans, elle participait aux Championnats Nationaux de Course de Distance, se qualifiait pour la finale, et nageait plus vite qu’elle ne l’avait fait 12 ans plus tôt – et avec nettement moins d’entraînement [26]. A ce moment-là, elle avait été éloignée de la compétition pendant 10 ans, ne revenant que quelques mois avant les Nationaux. Nielson avait très peu perdu de sa capacité. 35Ensuite, il semble qu’il y a des effets permanents ou persistants de l’entraînement intensif les attitudes de compétitivité et les stratégies pour concourir, une fois apprises sont rarement oubliées [27]. Et, finalement – et c’est peut être le plus significatif –, la pression sociale est forte pour ne pas redescendre » à un niveau inférieur de la compétition. Les super champions » ne sont tout simplement pas les bienvenus dans les championnats de petits clubs de province tant qu’ils ont la super forme, et si leur niveau commence à baisser, l’embarras ressenti a plus de chance de mener simplement à l’abandon du sport plutôt qu’à la poursuite. Le cas peut être semblable au vieux professeur qui, plutôt que d’essayer de rivaliser avec de jeunes collègues dans un champ disciplinaire en rapide évolution, commence à remplir son temps avec davantage de travaux de commission ou d’expertises pour des fondations. Une retraite harmonieusement négociée est préférable à un déclin humiliant. 36Tous ces arguments peut-être provocants pour suggérer que le monde de la natation consiste réellement en plusieurs mondes, et que les nageurs de haut-niveau » sont plutôt différents que meilleurs. Même cette formulation laisse entendre qu’à un moment donné le performer excellent pourrait être dominant à un niveau inférieur dans cet autre monde. Mais, comme le signale Clausewitz, en comparant les commandants en chef de l’armée de Napoléon avec un simple colonel 37 Certains commandants en chef n’auraient pas fait brillante figure à la tête d’un régiment de cavalerie, et vice versa. » [28] 38Certains ne commencent même pas à briller avant d’avoir atteint les plus hauts niveaux. Pour notre propos, le vice versa » de Clausewitz dans la citation ci-dessus nous rappelle la séparation en sous-espaces, et les principaux points établis les niveaux » de la natation sont qualitativement distincts la stratification du sport est discrète, et non continue ; et le sport est le plus adéquatement décrit comme une collection de mondes relativement – Pourquoi le talent » ne mène pas vers l’excellence39Jusqu’ici, j’ai suggéré qu’il y a des mondes sociaux distincts au sein de la natation compétitive, et qu’un athlète rejoint ces différents mondes en adoptant les normes de comportement des membres de ces mondes. Cet argument implique, primo, que la plupart des gens ne veulent pas en fait appartenir au plus haut rang, et secundo, que le rôle de l’effort est exagéré. Je suggère que l’excellence athlétique est largement inaccessible, voire généralement non recherchée. De nombreux individus – disons des centaines de milliers, dans ce pays – ont les ressources physiques pour appartenir à l’élite olympique. Bien qu’il y ait un niveau minimum d’entrée » en termes de caractéristiques physiques nécessaires pour les performances olympiques, ce niveau doit être assez faible, et en aucun cas mesurable. 40A ce point de l’exposé, bien des lecteurs vont demander, Mais que faites-vous du talent ? Le Talent » est peut-être l’explication naïve la plus répandue de la réussite sportive. Les grands sportifs, semblons-nous croire, sont nés avec un don spécial, quasiment une chose » en eux, qui manque aux autres, peut-être physique, génétique, psychologique ou physiologique. Certains l’ont, d’autres non. Alors qu’un athlète, nous le savons, doit s’astreindre à de nombreuses années d’entraînement et d’attention pour développer et exercer ce talent, celui-ci est tout le temps en lui », attendant seulement une occasion pour être révélé. Quand les enfants font de bonnes performances, on dit d’eux qu’ils ont » du talent si les performances déclinent, ils peuvent s’entendre dire qu’ils ont gaspillé leur talent ». Nous croyons que c’est ce talent, conçu comme une substance cachée sous la réalité superficielle de la performance qui, finalement, distingue le meilleur parmi nos athlètes. 41Mais, sur un plan conceptuel, la notion de talent échoue comme explication du succès sportif. Elle mystifie l’excellence, résumant un ensemble d’actions distinctes sous un seul concept indifférencié. Pour comprendre ces actions et l’excellence qu’elles constituent, nous devons en premier lieu dévaluer ce concept de talent, et voir là où il cloche. Sur trois points, je crois, le talent » est inadéquat. 42* Des facteurs autres que le talent expliquent le succès sportif plus précisément. Nous pouvons voir, sans grande difficulté, ce que sont ces facteurs en natation la localisation géographique, particulièrement vivre en Californie du sud où le soleil brille toute l’année et où tout le monde nage ; le revenu plutôt élevé de la famille, qui permet de se rendre aux meetings et de payer les droits d’inscription, sans oublier le simple prix d’entrée des piscines quand on est jeune ; la stature, le poids et les proportions ; la chance ou le choix d’avoir un bon entraîneur, qui peut enseigner les habileté requises ; l’héritage d’un bonne structure musculaire – être à la fois fort et souple aide certainement – ; des parents qui s’intéressent au sport. Certains nageurs, aussi, ressentent davantage de plaisir physique à nager ; certains ont une meilleure coordination ; d’autres encore ont un pourcentage supérieur de fibres musculaires rapides. De tels facteurs sont nettement identifiables et leurs effets peuvent être clairement démontrés. Les confondre tous, peu ou prou, sous la rubrique talent » obscurcit plutôt qu’éclaire la question des sources de l’excellence athlétique. 43Il est facile de procéder ainsi, spécialement quand le seul contact avec les athlètes de haut-niveau ne se produit que tous les quatre ans en regardant les Jeux olympiques à la télévision, ou quand on ne les voit que durant des compétitions plutôt que dans leur entraînement quotidien. Imaginons, par exemple, qu’un jour, j’allume la télévision et je vois une figure magnifique en patinage artistique réalisée par Scott Hamilton. Ce que je vois est la grâce, la puissance et l’adresse s’exprimant tout ensemble, apparemment sans effort une unique image mobile, rapide et sure, très éloignée de ce que je peux faire moi-même. En termes phénoménologiques, je saisis la performance d’Hamilton de manière monothétique », d’un seul coup d’œil, tout à la fois [29]. Son patinage », pourrais-je dire, en me référant à ses actions comme à une seule chose, est spectaculaire ». Avec cette rapide sténographie, j’ai capté je pense d’un coup la richesse des infimes détails qu’Hamilton a, pendant des années et des années, assemblés si harmonieusement en une performance qu’ils deviennent invisibles pour un œil non entraîné [30]. Il est possible que, en se concentrant, Hamilton puisse sentir les détails dans ses mouvements certainement, un grand entraîneur peut les percevoir, et repérer la petite faute ou erreur dans une routine par ailleurs sans défaut. Mais, pour moi, la performance est un tout. 44Après coup, mes amis et moi pouvons nous asseoir et parler de l’histoire d’Hamilton comme d’une carrière d’excellence », ou qui montre un incroyable investissement », une motivation fantastique » – de nouveaux comme si son excellence, son investissement, sa motivation existaient en quelque sorte tout-à-coup. L’excellence devient quelque chose en lui, qu’il nous révèle périodiquement, qui s’exprime de temps à autre sa vie et ses habitudes sont réifiées. Le talent » est simplement le mot employé pour mettre une étiquette sur cette réification. Mais ce n’est pas une explication du succès. 45* On ne peut pas distinguer le talent de ses effets. On ne peut pas voir que le talent existe avant que ses effets ne deviennent évidents. La recherche de Kalinowski sur les nageurs olympiques le démontre clairement [31]. 46 Une des découvertes les plus étonnantes de notre étude est qu’il faut beaucoup de temps pour identifier le talent en natation. En fait, ce n’est pas avant d’avoir des succès au niveau régional, et plus souvent encore au niveau national, qu’un enfant est repéré comme talentueux » p. 173. Il ne m’ont jamais dit que j’avais du talent avant que je ne fasse de très bonnes performances et que je fasse les Championnats Senior à seize ans ; c’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à dire que j’avais du talent » p. 174. En dépit des capacités physiques qu’il possédait de naissance, il a fallu plusieurs années à Peter six, selon notre estimation pour apparaître doué. C’est le schéma le plus fréquent, sinon général, que nous trouvons dans nos données sur les nageurs. La plupart d’entre eux sont caractérisés comme étant “naturels” ou “doués”, une fois qu’ils ont consacré beaucoup de temps et un dur labeur à la discipline » p. 194. Quelles que soient les qualités exceptionnelles qu’on lui a reconnues une fois qu’il a été plus âgé et plus performant, elles n’étaient pas apparentes alors avant qu’il ait treize ans. » 47Les citations ci-dessus suggèrent que le talent est découvert assez tard dans la carrière, le sens implicite étant que, bien que l’aptitude de l’athlète existe en permanence, nous ne la voyons pas jusqu’à un moment tardif. Kalinowski, comme beaucoup d’entre nous, conserve la croyance qu’il doit y avoir une chose dans l’athlète qui précède et détermine ses succès, et qui ne sera découverte que plus tard. Mais, ses propres résultats, à plusieurs reprises, suggèrent une interprétation différente peut-être qu’il n’y a pas quelque chose comme le talent », il y a seulement la performance formidable elle-même. Il constate le succès et immédiatement en infère une cause sous-jacente, une cause pour laquelle il n’y a pas d’autres preuves que le succès lui-même. Ici, comme dans d’autres cas, le talent notre appellation pour cette cause ne peut être mesuré, ou perçu, ou ressenti, sous aucune forme autre que le succès qu’il est supposé produire. 48Ce faisant, dans l’analyse de Kalinowski – et la vision profane est très semblable à celle-ci –, réside une erreur analytique du premier degré la variable indépendante et la variable dépendante ne peuvent pas être mesurées séparément [32]. 49* La quantité » de talent nécessaire au succès en compétition paraît étonnamment faible. A première vue, il semble plausible qu’il soit nécessaire d’avoir un certain niveau d’aptitude naturelle pour réussir en sport ou en musique, ou dans l’université. Mais, après enquête empirique, il reste très difficile de préciser quel est exactement ce minimum physique. A vrai dire, une bonne part de la mythologie sportive est construite autour de personnages qui, manquant d’aptitudes naturelles, ont connu des succès fabuleux. Tout un genre de littérature émouvante est construite sur le thème de la personne dont les capacités naturelles ordinaires ont été détruites Wilma Rudolph avait eu la polio dans son enfance, avant de remporter le 100 mètres aux Jeux olympiques de 1960. Glen Cunningham avait eu les jambes gravement brûlées dans un incendie, pour, ensuite, battre le record du monde du mile. De telles histoires donnent du grain à moudre aux écrivains sportifs. 50Non seulement ces histoires sont communes, mais elles sont presque un genre. Bien des champions olympiques, quand on étudie leur histoire, semblent avoir surmonté une forte adversité dans leur poursuite du succès. Accidents d’automobile, jambe dans le plâtre, cheville foulée, chirurgie de l’épaule sont courants dans de telles histoires. En fait, ils sont fréquents dans la vie en général. Bien qu’un minimum nécessaire de force physique, de capacité pulmonaire et cardiaque, de densité nerveuse puisse être requis pour obtenir des résultats sportifs une fois encore, je ne nie pas les avantages différentiels, ce minimum semble à la fois difficile à définir et nettement faible, au moins dans de multiples cas. Peut-être que le facteur décisif n’est pas du tout l’aptitude naturelle, mais la volonté de surmonter les désavantages, naturels ou non, du genre de ceux auxquels la plupart d’entre nous faisons face, allant des obstacles mineurs quand nous grandissons et quand nous travaillons, jusqu’aux accidents et aux blessures, et aux handicaps physiques majeurs. 51Et, ensuite, si le niveau minimum de talent exigé paraît trop faible au point d’être universellement accessible, peut-être que le simple concept de talent lui-même – ne différenciant pas les performers entre eux – pourrait être complètement abandonné. Il ne permet pas d’expliquer les différences dans les résultats. Plutôt que de parler de talent et d’aptitude, on ferait mieux de regarder ce que les gens font réellement pour produire des performances extraordinaires. 52Le concept de talent fait obstacle à une claire compréhension de l’excellence. En fournissant une explication » immédiate mais fallacieuse au succès athlétique, il satisfait notre curiosité en passant, tout en ne requérant ni investigation empirique ni questionnement critique de nos présuppositions tacites à propos des athlètes de haut-niveau. Au mieux, c’est un moyen commode pour admettre que nous ne connaissons pas la réponse, une sorte de terme profane pour variance inexpliquée ». Mais, le projet d’expliquer échoue. Ce que nous appelons talent n’est rien de plus que la réification projetée de choses particulières déjà accomplies des mains placées correctement dans l’eau, des virages exécutés brusquement, une tête relevée plutôt que près de la surface de l’eau. A travers la notion de talent, nous transformons des actions particulières qu’un être humain effectue en un objet possédé, conservé au secret pour le jour où il sera révélé à la vue de tous. 53Cet axe de réflexion mène vers un autre point. Dans la mesure où le talent ne peut être vu qu’indirectement à travers les effets qu’il est supposé produire, son existence est une affaire de croyance. Le dogme fondamental du talent » dit que ce que les gens font en ce monde a une cause qui réside par-devers eux, qu’il y a une sorte de réalité en arrière-plan où les choses réelles se produisent, et que ce que nous, vous et moi, voyons ici dans nos vies par ex. la conquête d’une médaille d’or est réellement le reflet de la vraie réalité cachée derrière. Ceux qui ne sont pas admis dans la compagnie des élus – les talentueux – ne peuvent jamais voir comment est réellement cet autre monde des succès fabuleux, et ne peuvent jamais partager ces expériences. Et en acceptant cette foi dans le talent, me semble-t-il, nous abandonnons nos chances de comprendre correctement l’excellence. 54Encore et toujours, nous voulons croire dans le talent. Comme Jean-Paul Sartre le dit ce que les gens veulent, c’est qu’on naisse lâche ou héros » [33], sachant que cela nous protège en dévaluant les réalisations qu’on prétend élever [34]; nous séparant sur un mode magique de ces gens qui sont de grands athlètes, nous assurant que nous sommes incomparables à eux et déchargeant ceux d’entre nous qui ne sont pas excellents de la responsabilité de leur propre condition. Qualifier quelqu’un de divin », note Friedrich Nietzsche, signifie Ici, nous n’entrons pas en compétition » [35]. Avec la notion mystificatrice de talent » et la pseudo-explication in-analysée des performances exceptionnelles, nous codifions notre propre résistance psychologique profonde devant la simple réalité du monde, devant la banalité accablante de l’excellence [36].III – L’excellence au quotidien55 Les gens ne savent pas à quel point le succès est ordinaire » disait Mary T. Meagher, triple championne olympique à Los Angeles, quand on l’interrogeait sur ce que le public comprenait de son sport. Elle expliquait avoir débuté sa carrière dans une ligue estivale et travaillé pour atteindre des compétitions de niveau de plus en plus élevé ; après avoir appris de nouvelles techniques, intériorisé de nouvelles habitudes, et relevé de nouveaux défis [37]. Ce que Meagher disait – à savoir que le succès est, en un sens, ordinaire – s’applique, je crois, à d’autres espaces comme ceux des affaires, de la politique, ainsi qu’aux professions de tous types, y compris académiques. Dans ce qui suit, je vais essayer de développer ce point, en donnant des exemples tirés de mes recherches sur la natation, mais aussi d’autres espaces afin de montrer la généralité de cette conception. 56* L’excellence se construit au quotidien 57Une performance exceptionnelle est en fait le produit de douzaines d’habiletés et d’activités, apprises ou acquises de façon fortuite, et patiemment transformées en habitudes assemblées dans un tout intégré. Il n’y a rien d’extraordinaire ou de surhumain dans chacune de ces actions prises isolément, si ce n’est que, réalisées correctement, avec régularité, et toutes ensemble, elles produisent l’excellence. Quand une nageuse apprend le virage culbute en nage libre, elle nage plus vite ; grâce à une position alignée lors de la poussée sur le mur avec les bras dans le prolongement du corps, elle gagne encore un peu de temps ; elle peut également progresser en changeant l’orientation de ses mains lors des actions sous-marines en évitant la présence de bulles d’air, ou en modifiant ses retours aériens ; en soulevant des charges pour se muscler correctement ; et en adoptant les meilleures tenues pour la glisse dans l’eau, et ainsi de suite [38]. Chacune de ces tâches semble limitée en elle-même, mais chacune d’elle permet à l’athlète de nager un peu plus vite. Une fois qu’il a appris et intégré ces différents éléments et bien d’autres, le nageur peut participer aux Jeux olympiques. Une victoire n’est rien d’autre que la synthèse de ces innombrables petites choses – même si certaines d’entre elles sont faites involontairement ou par d’autres, ce que l’on appelle souvent la chance ». 58Ainsi les petites choses » comptent vraiment. Nous avons déjà vu comment une très petite – en termes quantitatifs – différence peut produire un succès notoire. Même d’apparents hasards peuvent conduire à des médailles d’or. 59 Dans l’épreuve du 100 mètres nage libre à Los Angeles, Rowdy Gaines, sachant que le starter de la course avait tendance à donner le départ rapidement, a anticipé le signal ; bien qu’il n’ait pas volé le départ, l’observation des vidéos de la course donne l’impression que Gaines savait exactement quand partir, que les autres étaient encore sur les plots quand il s’élança. Mais, le starter ne l’a pas rappelé. Et les protestations d’après course des autres concurrents furent ignorées. Gaines a passé des années à observer les starters, et il a parlé avec son entraîneur Richard Quick de ce starter en particulier avant la course. » [39] 60Gaines n’était pas notoirement plus rapide que plusieurs des autres nageurs de la course, mais avec cette tactique, il conquit un avantage suffisant pour gagner. Et, dans l’ensemble de ses courses, il cherchait à trouver un avantage de ce type dans le cas présent, cela lui a permis de remporter la médaille d’or. Portant attention à de telles subtilités, nous pouvons dire que, non seulement les petites choses sont importantes ; à certains égards, les petites choses sont les seules choses. 61Peter Drucker, le doyen des consultants américains en management, suggère une idée similaire quand il écrit, à propos du monde des affaires, que ce sont ces petites choses qui, prises dans leur en Introduction1Les sports olympiques, et la natation de compétition en particulier, offrent une occasion exceptionnellement claire pour étudier la nature de l’excellence. Dans d’autres champs, il peut être moins facile de dire quels sont les performers d’exception le peintre ou le pianiste le plus brillant, le businessman le plus productif, la serveuse la plus attentionnée ou le meilleur des pères. Mais, dans le sport et c’est là un de ses charmes, le succès est défini plus exactement, par le succès dans des compétitions. Il y a des médailles, des rubans et des coupes pour les premières, secondes et troisièmes places ; des matches sont organisés pour faire se rencontrer les meilleurs compétiteurs du monde ; en natation et en athlétisme, les temps sont mesurés électroniquement au centième de seconde près ; il y a des statistiques publiées et des classements annoncés chaque mois ou chaque semaine. A la fin des Jeux olympiques, tous les quatre ans, on sait clairement qui a gagné et qui a perdu, qui est allé en finale, qui a été sélectionné pour les Jeux, et qui n’a jamais participé aux compétitions sportives. 2Au sein de la natation de compétition tout spécialement, une stratification tranchée existe, non seulement entre les individus mais aussi bien entre les niveaux définis dans ce sport. Au niveau inférieur, on a les équipes de clubs de campagne, qui fonctionnent pendant la saison estivale dans le cadre de tournois organisés de manière peu formelle, et modérément compétitifs. Au-dessus, il y a des équipes qui représentent des villes entières et qui concourent contre d’autres équipes représentant d’autres villes de l’Etat ou de la région ensuite, le niveau de compétition National Junior » qui aligne les meilleurs jeunes athlètes en dessous de 18 ans ; puis, le niveau National Senior tous âges, les meilleurs du pays et, finalement, les champions qu’on peut appeler de classe olympique ou mondiale. A chacun de ces niveaux, on trouve, de manière prévisible, certains individus en compétition tel athlète nage dans un tournoi d’été, et ne rencontre jamais les nageurs d’autres villes tel nageur peut être régulièrement qualifié pour des épreuves Nationales Junior, mais pas pour les épreuves Senior un troisième peut nager aux Jeux, mais ne jamais retourner dans les épreuves Nationales Junior. Les niveaux du sport sont remarquablement distincts les uns des autres. 3C’est pratique pour celui qui étudie la stratification. Comme le succès en natation est bien définissable, et le système de stratification relativement peu ambigu si bien que le progrès d’un athlète peut être aisément mesuré, nous pouvons clairement voir, en comparant les niveaux et en étudiant les individus dans leurs déplacements entre, et au sein, des niveaux, ce qui produit exactement l’excellence. En outre, les carrières en natation sont relativement courtes on peut obtenir des succès remarquables en peu de temps. Rowdy Gaines, débutant en sport à 17 ans, est passé directement d’un club local au record du monde dans un 100 mètres nage libre en seulement trois années. Cela permet au chercheur de mener une véritable recherche longitudinale en peu de temps. 4Bref, en natation compétitive, on peut apprendre assez vite quelque chose à propos de la stratification c’est un lieu privilégié pour étudier la nature de l’excellence. 5L’approche suivie ici s’inscrit dans l’interactionnisme symbolique et la phénoménologie, tels qu’ils sont définis par Peter Berger et Thomas Luckmann, Herbert Blumer et Alfred Schutz [2]. La littérature de sociologie du sport est pauvre sur la natation on s’appuiera sur des classiques et quelques travaux récents [3].La recherche6De janvier 1983 à août 1984, j’ai assisté à une série de rencontres de natation, de classe nationale et internationale, organisées par United States Swimming, Inc. USS, l’instance dirigeante nationale pour cette discipline. United States Swimming contrôle le processus de sélection des équipes américaines pour les rencontres internationales tels les Jeux olympiques, et accrédite plusieurs milliers de clubs amateurs dans tout le pays, réunissant plusieurs centaines de milliers d’athlètes, en majorité des enfants et des adolescents. Ces clubs fournissent la base organisationnelle de la natation amateure en Amérique. Les compétitions suivies comprenaient à la fois des rencontres indoor et des Championnats nationaux outdoor, le meeting International de l’USS, le tournoi des Champions du magazine Seventeen, le meeting des Champions Speedo / Dupont, les rencontres préparatoires aux Jeux de 1984 et les Jeux olympiques de 1984 eux-mêmes. J’avais une accréditation de journaliste et j’étais libre de me déplacer et de parler à qui je voulais. Dans la plupart des déplacements, je voyageais avec los Nadadores les Nageurs de Mission Viejo Californie, champions par équipe des Etats-Unis à l’époque, partageant leur vie lors des transferts en avion, à l’hôtel, pour les repas et en ville. J’ai vécu avec les entraîneurs et les athlètes de cette équipe en assumant le rôle traditionnel d’observateur participant. Il était explicite pour tout le monde que j’étais là en tant que chercheur il n’y a eu aucune tromperie à aucun moment de l’enquête. Durant cette phase et par la suite, j’ai interviewé un total de quelque 120 nageurs et entraîneurs de classe nationale et mondiale [4]. 7Pendant ces années, j’ai fréquemment passé de trois jours à un mois et demi à Mission Viejo à une heure de route, au sud de Los Angeles en côtoyant les entraîneurs, visitant les installations et interviewant nageurs, entraîneurs et officiels. Le club des Nageurs m’a ouvert complètement l’accès aux lieux de pratique, aux séances de musculation, aux réunions d’équipe, aux soirées et autres évènements. De plus, j’étais présent à Mission Viejo pendant le stage de Préparation olympique qui s’est tenu là en juillet 1984, et j’étais le seul non-membre du club au bord des bassins pendant les après-midis d’entraînement à huis clos de l’équipe olympique. En outre, je viens d’achever cinq années comme entraîneur d’une équipe de nageurs de niveau d’âge régional 7-16 ans dans l’Etat de New York. Dans cette fonction, je me suis rendu à de nombreux meetings, depuis la réunion du plus petit club de campagne dans le Championnat de la Zone Est, jusqu’aux grands meetings de la Mississipi River. J’ai aussi entraîné dans le sud des Etats-Unis, et travaillé avec des débutants comme avec des détenteurs de records du groupe d’âge National. 8Bref, ce compte-rendu repose sur une expérience durable partagée avec les nageurs à tous les niveaux d’habileté, pendant une demi-douzaine d’années. L’observation a couvert l’ensemble des carrières, et j’ai eu la chance de comparer, non seulement des athlètes appartenant au même niveau perception que la plupart des entraîneurs partagent, mais entre les niveaux les plus contrastés. De ce fait, les analyses évitent l’habituel problème de sociologie de la connaissance » de l’observateur uniquement familiarisé avec les athlètes d’un seul niveau. Quand des entraîneurs de haut-niveau, par exemple, discutent de ce qui permet le succès, ils pensent souvent à des différences entre les athlètes qu’ils observent dans le haut-niveau. Leur ignorance des réalités quotidiennes des niveaux inférieurs programmes d’apprentissage de la nage, équipes de clubs de campagne les empêche d’avoir une vision véritablement comparative. Ou quand des journalistes sportifs écrivent à propos des athlètes qualifiés aux Jeux, ils commencent de manière typique la recherche une fois que les actions décisives ont eu lieu, et ils manquent d’une véritable perspective longitudinale ; la mémorisation par le nageur de son histoire passée subira des distorsions. 9Cette étude des nageurs olympiques, à l’opposé, 1 observe différents niveaux du sport, et 2 a été engagé bien avant les Jeux, alors que personne ne connaissait évidemment qui gagnerait et qui ne gagnerait pas elle fut conçue avec le projet explicite de voir comment la plante pousse avant que la fleur ne s’épanouisse. Le résultat est à la fois transversal en observant tous les niveaux du sport et longitudinal couvrant l’étendue des carrières.10Par excellence », j’entends une supériorité durable des performances ». L’athlète qui excelle réalise régulièrement, voire de manière routinière, des performances meilleures que celles de ses concurrentes. La permanence des performances supérieures indique qu’un athlète est véritablement meilleur qu’un autre, et que la différence entre eux n’est pas le produit de la chance. Cette définition s’applique à tous les niveaux du sport, et différencie les athlètes. La supériorité discutée ici peut être celle d’un nageur sur un autre, ou de tous les athlètes d’un niveau disons, le niveau olympique sur un autre niveau. Par cette définition, nous ne sommes pas contraints de juger une performance à l’aune d’un critère absolu, mais seulement par rapport à d’autres performances. Il y a des leaders reconnus dans toute équipe, tout comme il y a des équipes largement reconnues comme dominantes. 11Pour présenter ce que sont les sources de l’excellence pour des athlètes olympiques, je dois suggérer tout d’abord – réservant la démonstration pour plus tard – ce qui ne produit pas l’ n’est pas, selon mes résultats, le produit de personnalités socialement déviantes. Ces nageurs ne semblent pas être des hurluberlus », ni des sauvages » des gosses qui ont abandonné la vie normale des teenagers » [5]. Si leurs comportements résultent de traits de personnalité, ces traits ne sont pas évidents. Peut-être est-ce vrai, comme le veut la mythologie des sports, que les meilleurs athlètes ont plus confiance en eux-mêmes bien que ce point soit discutable ; mais une telle confiance pourrait être un effet de la réussite, non une cause de celle-ci [6].L’excellence ne résulte pas de changements quantitatifs du comportement. Une augmentation du temps d’entraînement, per se, ne fait pas nager plus vite, et n’améliore pas la préparation psychologique, de même que de mouvoir les bras plus vite. Faire simplement davantage du même ne conduit pas à une élévation du niveau en ne résulte pas de quelque qualité intime spéciale de l’athlète. Le talent » est le mot usuel pour cette qualité parfois, on parle de don », ou d’ aptitude naturelle ». Ces termes sont employés pour mystifier les procédés terre-à-terre de la réussite en sport, nous éloignant d’une analyse réaliste des facteurs concrets qui mènent à la performance superlative, et nous protégeant du sentiment de responsabilité face à nos propres alors, d’où vient l’excellence, la supériorité régulière des performances ?I – L’excellence suppose une différenciation qualitative12L’excellence dans la natation de compétition est atteinte par le biais d’une différenciation qualitative avec les autres nageurs, et non au moyen d’une augmentation quantitative de l’activité. Cela signifie, en bref, que les niveaux du sport sont qualitativement distincts la stratification est discrète, non continue ; et, du fait de ces caractéristiques, l’univers de la natation se présente comme une multiplicité de mondes, plutôt que comme une entité unique, chacun de ces mondes ayant ses formes de comportements. 13Avant de détailler ces points, je dois éclaircir ce qu’on entend par quantitatif » et qualitatif ». Par quantité, nous entendons le nombre ou le montant de quelque chose. Une amélioration quantitative suppose l’accroissement du nombre d’une des choses que l’on fait. Un athlète qui s’entraîne 2 heures par jour et augmente cette activité à 4 heures a accompli un changement quantitatif de comportement. Ou, une nageuse qui nage 5 miles et passe à 7 miles. Elle fait davantage de la même chose. Ou encore, un nageur de style libre qui, tout en conservant la même technique de crawl, déplace ses bras à un nombre plus élevé de mouvements par minute, a effectué un changement quantitatif. Une amélioration quantitative implique de faire davantage de la même chose. 14Par qualité, par contre, nous entendons le caractère ou la nature de la chose. Un changement qualitatif suppose de modifier ce qui est actuellement fait, et pas seulement d’en faire plus. Pour un nageur, un changement de qualité dans sa technique de brasse consisterait à écarter mouvement de godille les bras vers les côtés extérieurs plutôt que de les tirer directement vers l’arrière ; ou, au lieu de se soulever hors de l’eau au moment du virage, de rester près de la surface. Les autres changements qualitatifs comprennent d’aller concourir dans un meeting régional, au lieu de rester dans un meeting local ; manger des légumes et absorber des hydrates de carbone plutôt que des graisses et des sucres ; s’inscrire à un événement de niveau plus faible plutôt qu’à un plus fort ; apprendre à faire un virage culbute en crawl plutôt que de se retourner et de pousser le bord ; ou de s’entraîner à un niveau d’intensité quasi-compétitif plutôt qu’irrégulièrement. Chacun d’entre eux implique de faire les choses différemment qu’avant, pas nécessairement de faire plus. Une amélioration qualitative suppose de faire des sortes de choses différentes. 15Ensuite, nous pouvons examiner comment une différenciation qualitative devient manifeste. 16* Les différents niveaux du sport sont qualitativement distincts. Les champions olympiques ne font pas seulement davantage de la même chose que les nageurs des clubs de campagne des tournois d’été. Ils ne font pas que nager plus d’heures, ou mouvoir leurs bras plus vite, ou suivre un plus grand nombre d’entraînements. Ce qui les rend plus rapides ne peut être comparé quantitativement aux nageurs de niveau inférieur, parce que même s’il y a des différences quantitatives – et certainement il y en a, par exemple dans le nombre d’heures passées à s’entraîner –, elles ne sont pas du tout, je pense, le facteur décisif [7]. 17Au lieu de cela, ils font les choses différemment. Leurs brasses sont différentes, leurs attitudes sont différentes, leurs groupes d’amis sont différents ; leurs parents ont un rapport au sport différent, les nageurs se préparent différemment pour leurs courses, et ils s’inscrivent dans des catégories de meetings et de réunions différentes. Il y a de multiples discontinuités de cette sorte entre, disons, les nageurs engagés dans les compétitions des Championnats de la Ville du coin et ceux qui participent aux compétitions pré-olympiques. Il faut prendre en considération trois types de différences. 181 La technique. Les styles de mouvements, de plongeon et de virage sont radicalement différents aux différents niveaux. Au niveau C » le plus bas dans le système de classement de l’United States Swimming, une nageuse de brasse tend à ramener ses bras loin derrière elle, à battre des jambes largement sans les ramener ensemble à la fin, à se maintenir assez haut hors de l’eau dans le virage, à manquer de prendre une grande impulsion après le virage, et toucher d’une seule main lors du finish. Par comparaison, un nageur de haut niveau AAAA », en brasse, écarte les bras vers les côtés extérieurs puis les ramène vers l’intérieur contre la poitrine d’un mouvement très similaire à un balayage ne tirant jamais les bras de l’avant vers l’arrière, produit des battements à faible amplitude et avec les pieds qui reviennent ensemble, reste en position immergée dans les virages, prend une longue impulsion sous l’eau après le virage et touche la ligne de finish des deux mains. Non seulement les mouvements sont différents, mais ils sont si différents qu’un nageur C » serait étonné de voir à quoi un nageur AAAA » ressemble quand il nage. L’apparence elle-même est dramatiquement différente, tout comme la vitesse à laquelle il nage. Il en va de même pour les autres nages à un degré plus ou moins élevé, et certainement pour les départs plongeons et les virages. Pour apporter une autre observation, les nageurs de niveau olympique sont étonnamment silencieux quand ils plongent – ça fait un petit splash ». Inutile de dire qu’avec un débutant de 10 ans, il n’en va pas de même. 192 La discipline. Les meilleurs nageurs sont les plus stricts avec leur entraînement, venant aux séances à l’heure, faisant soigneusement les mouvements canoniques de la nage compétitive sans violer les règles techniques de la discipline [8], surveillant ce qu’ils mangent, dormant avec régularité, faisant les échauffements adéquats avant les épreuves, et ainsi de suite. Leur énergie est soigneusement canalisée. Le plongeur Greg Louganis, qui remporta deux médailles d’or aux Jeux de 1984, pratiquait seulement trois heures par jour – ce qui n’est pas un long temps – divisées en deux ou trois sessions. Mais, durant chaque session, il essaye de faire en sorte que chaque plongeon soit parfait. Louganis ne bâcle jamais durant l’entraînement, et de même il ne bâcle pas en compétition [9]. 203 L’attitude. Aux plus hauts niveaux de la natation compétitive, quelque chose comme une inversion d’attitude prend place. Les aspects mêmes du sport que le nageur de classe C » trouve astreignants, le nageur de haut-niveau les apprécie. Ce que les autres perçoivent comme ennuyeux – disons, nager de long en large, le long d’une ligne d’eau – ils le trouvent paisible, voire méditatif [10], le prennent souvent comme un défi, ou comme une thérapie. Ils savourent les tâches les plus dures, se projettent vers les compétitions les plus difficiles, essayent de se fixer des buts exigeants. Venant pour l’entraînement de 17h30 à Mission Viejo, de nombreux nageurs arrivaient frais, rigolards, bavardant, savourant la vie, appréciant peut-être le fait que la plupart des gens auraient positivement détesté faire cela. Il est faux de croire que les athlètes d’élite endurent de grands sacrifices pour parvenir à leurs fins. Souvent, ils ne perçoivent pas ce qu’ils font comme un sacrifice. Ils aiment ça [11]. 21Ces différences qualitatives sont ce qui distingue les niveaux du sport. Elles sont très nettes, tandis que les différences quantitatives entre les niveaux, aussi bien dans l’entraînement que dans la compétition, peuvent être étonnamment faibles en vérité. David Hemery, qui gagna une médaille d’or au 400 mètres haies aux Jeux de 1968, a recueilli des interviews d’athlètes de classe mondiale dans 22 disciplines différentes. La plupart du temps, le temps passé à s’entraîner un facteur quantitatif, dans notre analyse ne change pas significativement depuis le début de leur spécialisation jusqu’au haut niveau ». Malgré tout, de petites différences quantitatives dans les performances peuvent être liées à de très grandes différences qualitatives dans la finale du 100 mètres nage libre hommes des Jeux de 1984, Rowdy Gaines, le vainqueur, finit devant Mark Stockwell, le second, avec 44 centièmes de seconde d’avance, soit 0,8%. Entre Gaines et le nageur classé huitième pratiquement inconnu, Dirk Korthals, d’Allemagne de l’Ouest, il y avait seulement 2,2% de différence de temps. En fait, entre Rowdy Gaines, le nageur le plus rapide du monde cette année-là, et un champion dans la catégorie des dix ans, la différence quantitative en vitesse n’est que de 30%. Encore une fois ici, comme dans bien des cas, une différence quantitative plutôt faible produit une différence qualitative énorme. Gaines fut nettement un vainqueur des plus grandes compétitions internationales, détenteur du record du monde et de médailles d’or au cours de trois Jeux olympiques. 22* La stratification du sport est discrète, non continue. Entre les niveaux du sport, il y a des ruptures – ou discontinuités – significatives. Cela inclut des différences dans les attitudes, la discipline et la technique qui, en retour, produisent des différences de rapidité, petites, mais conséquentes. Des équipes toutes entières présentent de telles différences quant à l’attitude, la discipline et la technique qu’elles paraissent véritablement liées » à certains niveaux [12]. Certaines équipes réussissent toujours bien à certains niveaux du Championnat National, d’autres au niveau Régional, d’autres aux rencontres locales. Et, assurément, certains nageurs restent typiquement au sein d’un même niveau tout au long de leur carrière, conservant durant toute cette carrière les mêmes habitudes qu’ils avaient à leurs débuts. Au sein d’un niveau, les améliorations en termes de compétition pour de tels nageurs sont typiquement marginales, reflétant surtout les écarts différentiels de croissance au tout début de la puberté, par ex. ou les manœuvres pour être sélectionné dans la petite sphère de leur niveau. 23Je suggère ici que les athlètes n’atteignent pas le plus haut-niveau simplement par un processus de progression, en accumulant purement du temps dans la pratique ; les améliorations d’un niveau à l’autre ne résultent pas de changements quantitatifs. Aucune quantité de travail supplémentaire en soi ne transformera un nageur de classe C » en un nageur AAAA » sans qu’il y ait concurremment des changements qualitatifs dans la manière de faire ce travail. Au-delà d’une amélioration initiale de la force, de la souplesse et des sensations, il y a peu de gains de vitesse à réaliser à travers une simple augmentation du volume d’entraînement. Au contraire, les athlètes parviennent aux plus hauts niveaux grâce à des sauts qualitatifs des changements notables dans leur technique, la discipline et les attitudes, réalisés journellement à travers un changement de cadre, e. g. en se joignant à un nouveau groupe avec un nouvel entraîneur, de nouveaux amis, etc. qui travaillent à un plus haut niveau. Sans ces sauts qualitatifs, aucune amélioration majeure ascension dans les niveaux de la compétition ne se produira. 24Nous rencontrons le même phénomène dans d’autres domaines d’action. Carl von Clausewitz, l’auteur d’un traité de stratégie militaire classique du XIXe siècle, De la Guerre, note que les grands généraux et il aurait pu ajouter, les grands nageurs et entraîneurs montent en grade rapidement. Spécialement pendant les périodes de guerre, quand le résultat sur le champ de bataille est une nécessité vitale, il n’y a pas de longue période d’apprentissage avant d’atteindre les plus hauts rangs, ni d’ accumulation » ennuyeuse de savoirs ou d’habiletés 25 Les grands généraux ne sont jamais issus de la caste des officiers érudits, ou des savants. La plupart du temps, leur situation ne les avait guère mis en mesure d’accumuler de vastes connaissances… Il n’y a pas d’activité de l’intelligence humaine possible sans l’acquisition d’un ensemble de notions. Il s’agit donc seulement de savoir de quelle espèce doivent être ces notions. » [13] 26Le même schéma vaut pour la vie universitaire. Les figures majeures d’une discipline ne sont pas ceux qui ont la quantité de production la plus grande – bien que cela puisse donner un avantage à ceux qui sont largement lus – mais plutôt ceux qui écrivent des articles et des livres d’une qualité ou d’un genre tel qu’ils sont largement lus et commentés. Jamais le simple nombre de papiers présentés dans des conférences locales ou publiés dans des journaux mineurs ne sera équivalent à une Médaille d’or du CNRS en sociologie [14] ou à un article dans Deadalus [15]. Au niveau micro, augmenter simplement le nombre d’heures de travail fait chaque jour ne produira aucun changement majeur de statut si le genre de travail fait reste le même. 27Cela reste difficile à croire complètement. Cela semble contredire notre sens commun », ce que nous voyons dans notre expérience quotidienne. Le fait est que, quand autour de nous les gens en font davantage, ils tendent à faire mieux. Quand on joue une partie de football le weekend, un simple accroissement des efforts par exemple en marquant en permanence un adversaire conduit à une meilleure réussite Cette bande de mecs va-t-elle se saigner, juste pour finir aller boire une bière ? ». On dit aux enfants dans les championnats scolaires – et leurs entraîneurs finissent par le croire – que travailler dur est la première cause de la réussite [16], et les entraîneurs de natation partagent largement la croyance que ceux qui sont dans le sport le plus long temps et nagent tout au long de l’année ont le plus de succès. Les entraîneurs de haut-niveau américains sont pris dans le même préjugé, attribuant souvent la réussite au dur labeur » ou au talent ». Comme ils vivent, de manière non-réflexive, dans le haut-niveau ayant effectué là presque toute leur carrière d’entraîneur, ils ne voient jamais ce qui crée les différences entre les niveaux. Le fait est que les changements quantitatifs apportent la réussite – mais seulement au sein d’un niveau dans la discipline [17]. Faire plus du même apporte quelques bénéfices, mais seulement sous une forme limitée, localisée. On peut s’assurer un mince avantage sur ses pairs en faisant plus sans changer la qualité de ce qui est fait. 28Ayant vu que le plus est le mieux » au sein de situations locales, nous essayons d’extrapoler [18]. Si je travaille dur ce point pour atteindre mon niveau, avec quelle dureté les nageurs olympiques devront-ils travailler ? Si je fais tel sacrifice pour me qualifier pour les Championnats de l’Etat, quel sacrifice doivent-ils faire ? On croit, en extrapolant à partir de ce que l’on a appris à propos de la réussite à son propre niveau, qu’ils doivent travailler de manière incroyablement dure, qu’ils doivent ressentir une pression formidable, qu’ils doivent faire de plus en plus de sacrifices pour réussir. Supposant implicitement que la stratification en sport est continue plutôt que discrète que les différences sont quantitatives, on croit que les athlètes de haut-niveau font des choses incroyables. En bref, on croit qu’ils doivent être surhumains. 29* Ce sont réellement plusieurs mondes, chacun avec ses modèles de conduite. L’analyse développée ci-dessus peut être poussée un cran plus avant. Si, comme je l’ai suggéré, il y a réellement des ruptures qualitatives entre les niveaux du sport, et si les gens ne font pas leur chemin vers la gloire » simplement dans un sens additif, peut-être que notre conception d’un seul monde de la natation est inappropriée. J’ai parlé du sommet » du sport, et de niveaux » au sein du sport. Ces mots suggèrent que tous les nageurs sont, à proprement parler, en train de monter la même échelle, visant les mêmes buts, partageant les mêmes valeurs, nageant les mêmes nages, tous aspirant à la médaille d’or olympique. Mais ils ne le sont pas [19]. Certains veulent des médailles d’or, d’autres veulent appartenir à la sélection nationale, d’autres veulent de l’exercice, ou se marrer avec des potes, ou être en plein air, au soleil et dans l’eau. Certains essaient d’échapper à leur famille. Les images de l’élite » et des niveaux » de la natation que j’ai employées jusqu’ici sont le reflet de la domination d’une certaine fraction de nageurs et d’entraîneurs dans le sport l’élite est ce qu’ils considèrent comme l’élite, et leur définition du succès est celle qui a le plus largement cours dans United States Swimming. Les nageurs les plus rapides considèrent comme allant de soi que ce qui est rapide est le meilleur – plutôt que, par exemple, le plus beau qui soit le meilleur ; ou que l’implication des parents est ce qu’il y a de mieux ; ou que les enfants bien dans leur corps » quelque soit la signification de ceci, c’est le mieux. La terminologie elle-même, élite » et niveau », réifie le système de classement en vigueur. 30Une telle réification n’est pas seulement suspecte d’un point de vue analytique, elle est aussi incorrecte au plan empirique. La plupart des nageurs n’ont pas envie de gagner une médaille olympique. Quelques-uns peuvent avoir, au mieux, un vague désir, non-suivi d’actes, d’aller un jour aux Championnats Nationaux. Bien sûr, si un adulte demande à un enfant ce qu’il veut accomplir en nageant, l’enfant répondra je veux devenir Champion olympique », mais c’est davantage pour impressionner ou pour faire plaisir aux adultes que pour annoncer les intentions personnelles de l’enfant. Quand les athlètes les plus jeunes parlent de ce genre de sujet, c’est pour partager des rêves, pas pour annoncer des plans ; et les fantasmes sont plus souvent appréciés dans leur irréalité que dans leur réalisation. 31Aussi, nous devons envisager non un monde de la natation, mais de multiples mondes [20] et changer de monde est une étape importante vers l’excellence, une différenciation verticale plutôt qu’horizontale du sport. Ce que j’ai appelé des niveaux » est mieux décrit comme des mondes » ou des sphères ». Dans certains de ces mondes, les parents sont vaguement impliqués, les entraîneurs sont des adolescents employés comme des surveillants, les pratiques ont lieu peu de fois dans la semaine, les compétitions sont programmées peut-être une semaine à l’avance, la saison dure quelques semaines pendant l’été, et les nageurs qui sont plus nettement rapides que les autres peuvent être découragés par la pression sociale d’aller en compétition, parce qu’ils trouvent le plaisir en dehors d’elle [21]. Le grand événement de la saison est le Championnat de la Ville, quand les enfants de toute l’aire métropolitaine viennent passer deux jours à concourir les uns et les autres dans de multiples épreuves, et le reste du temps demeurent assis sous de grandes tentes à jouer aux cartes, lire, écouter de la musique, et bavarder. Dans un autre monde, les entraîneurs sont très puissants, les parents ne sont aperçus qu’occasionnellement et jamais sur les bords de bassin, les nageurs voyagent sur des milliers de kilomètres pour participer à des rencontres, ils nagent six jours par semaine pendant des années en continu, et les plus rapides parmi eux sont objets de respect et de louanges. Le grand événement dans la saison peut être le Championnat National, où les athlètes passent beaucoup de temps – s’asseyant sous de grandes tentes, jouant aux cartes, lisant, écoutant de la musique et bavardant [22]. 32Chacun de ces mondes enferme une figure de personnage puissant et d’athlète dominant, et occuper une position prédominante dans un monde ne garantit pas d’en avoir une dans un autre [23]. Aux niveaux les plus modestes, les parents des nageurs ont voix au chapitre ; au plus haut niveau, les entraîneurs ; peut-être dans les équipes de Maîtres, qui sont composées de nageurs de plus de 25 ans, les nageurs eux-mêmes [24]. Chaque monde a des buts distincts aller aux Jeux olympiques, faire un bon temps aux Championnats nationaux, gagner un tournoi local, avoir du bon temps dans les semaines qui viennent. Dans chaque monde, les techniques sont au moins quelque peu différentes comme pour le geste de brasse, discuté plus haut et les familles et les amis ont leur rôle. Sous tous ces rapports, et bien d’autres encore, chaque soit-disant niveau » de la natation compétitive est différent des autres. Les différences ne sont pas de simples écarts quantifiables dans un espace unidimensionnel menant vers les Jeux olympiques. Les objectifs sont variés, les participants ont des engagements multiples, les techniques se mélangent [25]. 33Cette notion de différenciation horizontale du sport – des mondes séparés au sein de la natation compétitive, plutôt qu’une hiérarchie – peut paraître réfutée par le fait évident que monter» jusqu’au niveau olympique est très difficile, alors que redescendre » est apparemment facile, comme si une force de gravité s’exerçait. Nous savons tous que l’on ne devient pas champion olympique en un jour. Il faut du temps pour acquérir toutes ces habiletés, saisir les techniques, développer l’envie de gagner, changer ses attitudes, se soumettre à la discipline. Le travail physique, ainsi que les ajustements psychologiques et sociaux sont conséquents. Cette difficulté suggère l’idée d’une relation asymétrique entre ces mondes. 34Moins évident, cependant, est le fait que revenir au point de départ » est difficile pratiquement. Premièrement, les techniques, une fois apprises et incorporées, ne se détériorent pas en un jour. Un assez grand nombre de nageurs, des années après s’être retirés de la compétition, peuvent revenir et, avec quelques mois d’entraînement, faire de bonnes choses. En 1972, une certaine Sandra Nielson, 16 ans, gagnait trois médailles d’or aux Jeux de Munich en natation. En 1984, atteignant juste ses 29 ans, elle participait aux Championnats Nationaux de Course de Distance, se qualifiait pour la finale, et nageait plus vite qu’elle ne l’avait fait 12 ans plus tôt – et avec nettement moins d’entraînement [26]. A ce moment-là, elle avait été éloignée de la compétition pendant 10 ans, ne revenant que quelques mois avant les Nationaux. Nielson avait très peu perdu de sa capacité. 35Ensuite, il semble qu’il y a des effets permanents ou persistants de l’entraînement intensif les attitudes de compétitivité et les stratégies pour concourir, une fois apprises sont rarement oubliées [27]. Et, finalement – et c’est peut être le plus significatif –, la pression sociale est forte pour ne pas redescendre » à un niveau inférieur de la compétition. Les super champions » ne sont tout simplement pas les bienvenus dans les championnats de petits clubs de province tant qu’ils ont la super forme, et si leur niveau commence à baisser, l’embarras ressenti a plus de chance de mener simplement à l’abandon du sport plutôt qu’à la poursuite. Le cas peut être semblable au vieux professeur qui, plutôt que d’essayer de rivaliser avec de jeunes collègues dans un champ disciplinaire en rapide évolution, commence à remplir son temps avec davantage de travaux de commission ou d’expertises pour des fondations. Une retraite harmonieusement négociée est préférable à un déclin humiliant. 36Tous ces arguments peut-être provocants pour suggérer que le monde de la natation consiste réellement en plusieurs mondes, et que les nageurs de haut-niveau » sont plutôt différents que meilleurs. Même cette formulation laisse entendre qu’à un moment donné le performer excellent pourrait être dominant à un niveau inférieur dans cet autre monde. Mais, comme le signale Clausewitz, en comparant les commandants en chef de l’armée de Napoléon avec un simple colonel 37 Certains commandants en chef n’auraient pas fait brillante figure à la tête d’un régiment de cavalerie, et vice versa. » [28] 38Certains ne commencent même pas à briller avant d’avoir atteint les plus hauts niveaux. Pour notre propos, le vice versa » de Clausewitz dans la citation ci-dessus nous rappelle la séparation en sous-espaces, et les principaux points établis les niveaux » de la natation sont qualitativement distincts la stratification du sport est discrète, et non continue ; et le sport est le plus adéquatement décrit comme une collection de mondes relativement – Pourquoi le talent » ne mène pas vers l’excellence39Jusqu’ici, j’ai suggéré qu’il y a des mondes sociaux distincts au sein de la natation compétitive, et qu’un athlète rejoint ces différents mondes en adoptant les normes de comportement des membres de ces mondes. Cet argument implique, primo, que la plupart des gens ne veulent pas en fait appartenir au plus haut rang, et secundo, que le rôle de l’effort est exagéré. Je suggère que l’excellence athlétique est largement inaccessible, voire généralement non recherchée. De nombreux individus – disons des centaines de milliers, dans ce pays – ont les ressources physiques pour appartenir à l’élite olympique. Bien qu’il y ait un niveau minimum d’entrée » en termes de caractéristiques physiques nécessaires pour les performances olympiques, ce niveau doit être assez faible, et en aucun cas mesurable. 40A ce point de l’exposé, bien des lecteurs vont demander, Mais que faites-vous du talent ? Le Talent » est peut-être l’explication naïve la plus répandue de la réussite sportive. Les grands sportifs, semblons-nous croire, sont nés avec un don spécial, quasiment une chose » en eux, qui manque aux autres, peut-être physique, génétique, psychologique ou physiologique. Certains l’ont, d’autres non. Alors qu’un athlète, nous le savons, doit s’astreindre à de nombreuses années d’entraînement et d’attention pour développer et exercer ce talent, celui-ci est tout le temps en lui », attendant seulement une occasion pour être révélé. Quand les enfants font de bonnes performances, on dit d’eux qu’ils ont » du talent si les performances déclinent, ils peuvent s’entendre dire qu’ils ont gaspillé leur talent ». Nous croyons que c’est ce talent, conçu comme une substance cachée sous la réalité superficielle de la performance qui, finalement, distingue le meilleur parmi nos athlètes. 41Mais, sur un plan conceptuel, la notion de talent échoue comme explication du succès sportif. Elle mystifie l’excellence, résumant un ensemble d’actions distinctes sous un seul concept indifférencié. Pour comprendre ces actions et l’excellence qu’elles constituent, nous devons en premier lieu dévaluer ce concept de talent, et voir là où il cloche. Sur trois points, je crois, le talent » est inadéquat. 42* Des facteurs autres que le talent expliquent le succès sportif plus précisément. Nous pouvons voir, sans grande difficulté, ce que sont ces facteurs en natation la localisation géographique, particulièrement vivre en Californie du sud où le soleil brille toute l’année et où tout le monde nage ; le revenu plutôt élevé de la famille, qui permet de se rendre aux meetings et de payer les droits d’inscription, sans oublier le simple prix d’entrée des piscines quand on est jeune ; la stature, le poids et les proportions ; la chance ou le choix d’avoir un bon entraîneur, qui peut enseigner les habileté requises ; l’héritage d’un bonne structure musculaire – être à la fois fort et souple aide certainement – ; des parents qui s’intéressent au sport. Certains nageurs, aussi, ressentent davantage de plaisir physique à nager ; certains ont une meilleure coordination ; d’autres encore ont un pourcentage supérieur de fibres musculaires rapides. De tels facteurs sont nettement identifiables et leurs effets peuvent être clairement démontrés. Les confondre tous, peu ou prou, sous la rubrique talent » obscurcit plutôt qu’éclaire la question des sources de l’excellence athlétique. 43Il est facile de procéder ainsi, spécialement quand le seul contact avec les athlètes de haut-niveau ne se produit que tous les quatre ans en regardant les Jeux olympiques à la télévision, ou quand on ne les voit que durant des compétitions plutôt que dans leur entraînement quotidien. Imaginons, par exemple, qu’un jour, j’allume la télévision et je vois une figure magnifique en patinage artistique réalisée par Scott Hamilton. Ce que je vois est la grâce, la puissance et l’adresse s’exprimant tout ensemble, apparemment sans effort une unique image mobile, rapide et sure, très éloignée de ce que je peux faire moi-même. En termes phénoménologiques, je saisis la performance d’Hamilton de manière monothétique », d’un seul coup d’œil, tout à la fois [29]. Son patinage », pourrais-je dire, en me référant à ses actions comme à une seule chose, est spectaculaire ». Avec cette rapide sténographie, j’ai capté je pense d’un coup la richesse des infimes détails qu’Hamilton a, pendant des années et des années, assemblés si harmonieusement en une performance qu’ils deviennent invisibles pour un œil non entraîné [30]. Il est possible que, en se concentrant, Hamilton puisse sentir les détails dans ses mouvements certainement, un grand entraîneur peut les percevoir, et repérer la petite faute ou erreur dans une routine par ailleurs sans défaut. Mais, pour moi, la performance est un tout. 44Après coup, mes amis et moi pouvons nous asseoir et parler de l’histoire d’Hamilton comme d’une carrière d’excellence », ou qui montre un incroyable investissement », une motivation fantastique » – de nouveaux comme si son excellence, son investissement, sa motivation existaient en quelque sorte tout-à-coup. L’excellence devient quelque chose en lui, qu’il nous révèle périodiquement, qui s’exprime de temps à autre sa vie et ses habitudes sont réifiées. Le talent » est simplement le mot employé pour mettre une étiquette sur cette réification. Mais ce n’est pas une explication du succès. 45* On ne peut pas distinguer le talent de ses effets. On ne peut pas voir que le talent existe avant que ses effets ne deviennent évidents. La recherche de Kalinowski sur les nageurs olympiques le démontre clairement [31]. 46 Une des découvertes les plus étonnantes de notre étude est qu’il faut beaucoup de temps pour identifier le talent en natation. En fait, ce n’est pas avant d’avoir des succès au niveau régional, et plus souvent encore au niveau national, qu’un enfant est repéré comme talentueux » p. 173. Il ne m’ont jamais dit que j’avais du talent avant que je ne fasse de très bonnes performances et que je fasse les Championnats Senior à seize ans ; c’est à ce moment-là qu’ils ont commencé à dire que j’avais du talent » p. 174. En dépit des capacités physiques qu’il possédait de naissance, il a fallu plusieurs années à Peter six, selon notre estimation pour apparaître doué. C’est le schéma le plus fréquent, sinon général, que nous trouvons dans nos données sur les nageurs. La plupart d’entre eux sont caractérisés comme étant “naturels” ou “doués”, une fois qu’ils ont consacré beaucoup de temps et un dur labeur à la discipline » p. 194. Quelles que soient les qualités exceptionnelles qu’on lui a reconnues une fois qu’il a été plus âgé et plus performant, elles n’étaient pas apparentes alors avant qu’il ait treize ans. » 47Les citations ci-dessus suggèrent que le talent est découvert assez tard dans la carrière, le sens implicite étant que, bien que l’aptitude de l’athlète existe en permanence, nous ne la voyons pas jusqu’à un moment tardif. Kalinowski, comme beaucoup d’entre nous, conserve la croyance qu’il doit y avoir une chose dans l’athlète qui précède et détermine ses succès, et qui ne sera découverte que plus tard. Mais, ses propres résultats, à plusieurs reprises, suggèrent une interprétation différente peut-être qu’il n’y a pas quelque chose comme le talent », il y a seulement la performance formidable elle-même. Il constate le succès et immédiatement en infère une cause sous-jacente, une cause pour laquelle il n’y a pas d’autres preuves que le succès lui-même. Ici, comme dans d’autres cas, le talent notre appellation pour cette cause ne peut être mesuré, ou perçu, ou ressenti, sous aucune forme autre que le succès qu’il est supposé produire. 48Ce faisant, dans l’analyse de Kalinowski – et la vision profane est très semblable à celle-ci –, réside une erreur analytique du premier degré la variable indépendante et la variable dépendante ne peuvent pas être mesurées séparément [32]. 49* La quantité » de talent nécessaire au succès en compétition paraît étonnamment faible. A première vue, il semble plausible qu’il soit nécessaire d’avoir un certain niveau d’aptitude naturelle pour réussir en sport ou en musique, ou dans l’université. Mais, après enquête empirique, il reste très difficile de préciser quel est exactement ce minimum physique. A vrai dire, une bonne part de la mythologie sportive est construite autour de personnages qui, manquant d’aptitudes naturelles, ont connu des succès fabuleux. Tout un genre de littérature émouvante est construite sur le thème de la personne dont les capacités naturelles ordinaires ont été détruites Wilma Rudolph avait eu la polio dans son enfance, avant de remporter le 100 mètres aux Jeux olympiques de 1960. Glen Cunningham avait eu les jambes gravement brûlées dans un incendie, pour, ensuite, battre le record du monde du mile. De telles histoires donnent du grain à moudre aux écrivains sportifs. 50Non seulement ces histoires sont communes, mais elles sont presque un genre. Bien des champions olympiques, quand on étudie leur histoire, semblent avoir surmonté une forte adversité dans leur poursuite du succès. Accidents d’automobile, jambe dans le plâtre, cheville foulée, chirurgie de l’épaule sont courants dans de telles histoires. En fait, ils sont fréquents dans la vie en général. Bien qu’un minimum nécessaire de force physique, de capacité pulmonaire et cardiaque, de densité nerveuse puisse être requis pour obtenir des résultats sportifs une fois encore, je ne nie pas les avantages différentiels, ce minimum semble à la fois difficile à définir et nettement faible, au moins dans de multiples cas. Peut-être que le facteur décisif n’est pas du tout l’aptitude naturelle, mais la volonté de surmonter les désavantages, naturels ou non, du genre de ceux auxquels la plupart d’entre nous faisons face, allant des obstacles mineurs quand nous grandissons et quand nous travaillons, jusqu’aux accidents et aux blessures, et aux handicaps physiques majeurs. 51Et, ensuite, si le niveau minimum de talent exigé paraît trop faible au point d’être universellement accessible, peut-être que le simple concept de talent lui-même – ne différenciant pas les performers entre eux – pourrait être complètement abandonné. Il ne permet pas d’expliquer les différences dans les résultats. Plutôt que de parler de talent et d’aptitude, on ferait mieux de regarder ce que les gens font réellement pour produire des performances extraordinaires. 52Le concept de talent fait obstacle à une claire compréhension de l’excellence. En fournissant une explication » immédiate mais fallacieuse au succès athlétique, il satisfait notre curiosité en passant, tout en ne requérant ni investigation empirique ni questionnement critique de nos présuppositions tacites à propos des athlètes de haut-niveau. Au mieux, c’est un moyen commode pour admettre que nous ne connaissons pas la réponse, une sorte de terme profane pour variance inexpliquée ». Mais, le projet d’expliquer échoue. Ce que nous appelons talent n’est rien de plus que la réification projetée de choses particulières déjà accomplies des mains placées correctement dans l’eau, des virages exécutés brusquement, une tête relevée plutôt que près de la surface de l’eau. A travers la notion de talent, nous transformons des actions particulières qu’un être humain effectue en un objet possédé, conservé au secret pour le jour où il sera révélé à la vue de tous. 53Cet axe de réflexion mène vers un autre point. Dans la mesure où le talent ne peut être vu qu’indirectement à travers les effets qu’il est supposé produire, son existence est une affaire de croyance. Le dogme fondamental du talent » dit que ce que les gens font en ce monde a une cause qui réside par-devers eux, qu’il y a une sorte de réalité en arrière-plan où les choses réelles se produisent, et que ce que nous, vous et moi, voyons ici dans nos vies par ex. la conquête d’une médaille d’or est réellement le reflet de la vraie réalité cachée derrière. Ceux qui ne sont pas admis dans la compagnie des élus – les talentueux – ne peuvent jamais voir comment est réellement cet autre monde des succès fabuleux, et ne peuvent jamais partager ces expériences. Et en acceptant cette foi dans le talent, me semble-t-il, nous abandonnons nos chances de comprendre correctement l’excellence. 54Encore et toujours, nous voulons croire dans le talent. Comme Jean-Paul Sartre le dit ce que les gens veulent, c’est qu’on naisse lâche ou héros » [33], sachant que cela nous protège en dévaluant les réalisations qu’on prétend élever [34]; nous séparant sur un mode magique de ces gens qui sont de grands athlètes, nous assurant que nous sommes incomparables à eux et déchargeant ceux d’entre nous qui ne sont pas excellents de la responsabilité de leur propre condition. Qualifier quelqu’un de divin », note Friedrich Nietzsche, signifie Ici, nous n’entrons pas en compétition » [35]. Avec la notion mystificatrice de talent » et la pseudo-explication in-analysée des performances exceptionnelles, nous codifions notre propre résistance psychologique profonde devant la simple réalité du monde, devant la banalité accablante de l’excellence [36].III – L’excellence au quotidien55 Les gens ne savent pas à quel point le succès est ordinaire » disait Mary T. Meagher, triple championne olympique à Los Angeles, quand on l’interrogeait sur ce que le public comprenait de son sport. Elle expliquait avoir débuté sa carrière dans une ligue estivale et travaillé pour atteindre des compétitions de niveau de plus en plus élevé ; après avoir appris de nouvelles techniques, intériorisé de nouvelles habitudes, et relevé de nouveaux défis [37]. Ce que Meagher disait – à savoir que le succès est, en un sens, ordinaire – s’applique, je crois, à d’autres espaces comme ceux des affaires, de la politique, ainsi qu’aux professions de tous types, y compris académiques. Dans ce qui suit, je vais essayer de développer ce point, en donnant des exemples tirés de mes recherches sur la natation, mais aussi d’autres espaces afin de montrer la généralité de cette conception. 56* L’excellence se construit au quotidien 57Une performance exceptionnelle est en fait le produit de douzaines d’habiletés et d’activités, apprises ou acquises de façon fortuite, et patiemment transformées en habitudes assemblées dans un tout intégré. Il n’y a rien d’extraordinaire ou de surhumain dans chacune de ces actions prises isolément, si ce n’est que, réalisées correctement, avec régularité, et toutes ensemble, elles produisent l’excellence. Quand une nageuse apprend le virage culbute en nage libre, elle nage plus vite ; grâce à une position alignée lors de la poussée sur le mur avec les bras dans le prolongement du corps, elle gagne encore un peu de temps ; elle peut également progresser en changeant l’orientation de ses mains lors des actions sous-marines en évitant la présence de bulles d’air, ou en modifiant ses retours aériens ; en soulevant des charges pour se muscler correctement ; et en adoptant les meilleures tenues pour la glisse dans l’eau, et ainsi de suite [38]. Chacune de ces tâches semble limitée en elle-même, mais chacune d’elle permet à l’athlète de nager un peu plus vite. Une fois qu’il a appris et intégré ces différents éléments et bien d’autres, le nageur peut participer aux Jeux olympiques. Une victoire n’est rien d’autre que la synthèse de ces innombrables petites choses – même si certaines d’entre elles sont faites involontairement ou par d’autres, ce que l’on appelle souvent la chance ». 58Ainsi les petites choses » comptent vraiment. Nous avons déjà vu comment une très petite – en termes quantitatifs – différence peut produire un succès notoire. Même d’apparents hasards peuvent conduire à des médailles d’or. 59 Dans l’épreuve du 100 mètres nage libre à Los Angeles, Rowdy Gaines, sachant que le starter de la course avait tendance à donner le départ rapidement, a anticipé le signal ; bien qu’il n’ait pas volé le départ, l’observation des vidéos de la course donne l’impression que Gaines savait exactement quand partir, que les autres étaient encore sur les plots quand il s’élança. Mais, le starter ne l’a pas rappelé. Et les protestations d’après course des autres concurrents furent ignorées. Gaines a passé des années à observer les starters, et il a parlé avec son entraîneur Richard Quick de ce starter en particulier avant la course. » [39] 60Gaines n’était pas notoirement plus rapide que plusieurs des autres nageurs de la course, mais avec cette tactique, il conquit un avantage suffisant pour gagner. Et, dans l’ensemble de ses courses, il cherchait à trouver un avantage de ce type dans le cas présent, cela lui a permis de remporter la médaille d’or. Portant attention à de telles subtilités, nous pouvons dire que, non seulement les petites choses sont importantes ; à certains égards, les petites choses sont les seules choses. 61Peter Drucker, le doyen des consultants américains en management, suggère une idée similaire quand il écrit, à propos du monde des affaires, que ce sont ces petites choses qui, prises dans leur ensemble, produisent l’excellence. Dans ses livres très connus, en particulier, The Effective Executer [40], Drucker met l’accent sur le fait que le succès dans le monde des affaires n’a rien de magique mais qu’il découle de l’exécution attentive de pratiques particulières 62 Etre efficace ne requiert pas de dons spécifiques, une aptitude spéciale ou un entraînement particulier. Etre efficace dans l’exécution suppose de faire certaines – et assez simples – choses. Cela réside dans un petit nombre de pratiques ». 63En effet, en natation comme ailleurs, ces pratiques peuvent sembler, au premier coup d’œil, assez minimales 64Quand Mary T. Meagher avait 13 ans et qu’elle s’était qualifiée pour les championnats nationaux, elle décida d’essayer de battre le record du monde du 200 mètres papillon. Elle fit immédiatement deux changements qualitatifs dans ses routines d’abord, elle commença par arriver à l’heure à chaque entraînement. Elle se souvient maintenant, des années plus tard, que sa mère venait la chercher à la sortie de l’école et la conduire souvent rapidement à travers les rues de Louisville, Kentucky, en essayant désespérément d’être à la piscine à l’heure. Cette habitude, cette discipline, dit-elle aujourd’hui, lui donna le sens que chaque minute d’entraînement compte. Et, ensuite, elle commença à tout faire de son mieux durant ses entraînements avec un respect strict des règles de la compétition. Beaucoup de nageurs ne procèdent pas ainsi ; ils tournent dans le bassin sans forcer, touchent le mur avec une main au lieu de deux. Cela, dit-elle, l’a habituée à toujours faire les choses un cran au dessus de ceux qui l’entourent. Ce sont, d’après elle, les deux principaux changements qu’elle fit dans son entraînement. [41] 65Meagher a réalisé deux changements quotidiens dans ses habitudes, des choses banales que chacun peut faire s’il le souhaite. C’est au cours de cette année qu’elle a battu le record du monde en papillon. 66Il y a ici une aire féconde pour les recherches sur les organisations jusqu’à quel point ces considérations quotidiennes conduisant au succès ou à l’échec dépendent des individus seuls ? Prendre 10 minutes par an pour écrire une carte de vœux peut maintenir une vieille amitié pendant des décennies ; un système téléphonique défaillant qui coupe un quart ou un dixième des appels entrants peut conduire à la ruine d’une agence de voyage ou d’une entreprise de vente par correspondance ; un patron qui parcourt, ne serait-ce qu’une fois de temps en temps, son usine et parle avec les travailleurs, peut augmenter considérablement leur moral et, ce faisant, la production [42]; un secrétaire, cette figure archétypale du travail quotidien, peut faire ou détruire un bureau, voire même une division entière. Aux plus faibles niveaux de la hiérarchie dans les compétitions en natation, le simple fait de se présenter régulièrement aux entraînements produit la plus grande amélioration dont l’athlète pourra faire l’expérience [43]; et, dans les plus bas rangs du monde académique, la franche volonté de mettre des arguments sur le papier et de les envoyer à un journal va distinguer l’auteur de ses collègues [44]. Encore une fois, la même conclusion le simple fait de réaliser certaines choses simples peut générer d’immenses résultats. L’excellence se construit au quotidien. 67* La motivation, elle aussi, est quotidienne 68Les nageurs vont à l’entraînement pour voir leurs amis, pour s’exercer, pour se sentir plus forts après, pour impressionner leur entraîneur, pour travailler à nager plus vite lors de leur prochaine compétition. Parfois, les plus anciens d’entre eux, qui se projettent à plus long terme, ont en vue des compétitions situées plusieurs mois plus tard. Mais, même avec des objectifs à long terme, des satisfactions quotidiennes doivent être présentes. Les récompenses ordinaires, au jour le jour, sont cruciales [45]. Une motivation de très haut rang – gagner une médaille d’or aux Jeux olympiques, battre un record du monde – sera sans effet si elle n’est pas échelonnée dans des tâches à court terme. Voir Rocky ou Les chariots de feu peut inspirer quelqu’un pendant plusieurs jours, mais l’excitation produite par un film va s’estomper rapidement quand elle sera confrontée à la réalité quotidienne qui consiste à plonger dans une eau froide au saut du lit. Si la réalité quotidienne est plaisante en elle-même, si elle fournit ses propres défis et récompenses, si l’eau est bonne, et si les amis se soutiennent, les objectifs à long-terme pourront être atteints. Mary T. Meagher encore 69 Je n’ai jamais vu plus loin que l’année suivante, et je n’ai jamais regardé au-delà du prochain niveau. Je n’ai jamais pensé aux Jeux olympiques quand j’avais dix ans ; à ce moment-là, je pensais aux championnats de l’Etat. Quand j’ai réalisé les minima pour les Régionaux [le niveau de compétition supérieur], j’ai commencé à penser aux Régionaux ; quand j’ai fait les minima pour les National Junior Olympics, j’ai commencé à penser aux National Junior Olympics… Je ne peux pas encore vraiment penser aux prochains Jeux olympiques maintenant… Les choses peuvent vous accabler si vous y pensez trop à l’avance. » [46] 70Cette vision est partagée par beaucoup des nageurs que j’ai interviewés. Alors que beaucoup d’entre eux regardaient vers les Jeux olympiques, ils divisaient le travail en une progression faite d’étapes successives, aucune d’elle n’étant trop importante. Ils trouvaient des défis dans de petites choses travailler à améliorer son départ une semaine, améliorer sa technique de brasse la suivante, puis surveiller les habitudes de sommeil, ou planifier le rythme de nage. Ils se concentrent sur ce que Karl Weick a appelé les petites victoires » les réussites mineures, aisément définissables, qui peuvent être réalisées facilement et qui produisent d’importants effets [47], notamment le fait de donner confiance dans la capacité à atteindre une autre petite victoire ». L’article de Weick est, sur ce sujet, suggestif et perspicace. Il dit 71 Une petite victoire est un résultat concret, complet et appliqué, d’une importance modérée. Par elle-même, une petite victoire peut sembler sans importance. Cependant une série de victoires dans des petites tâches signifiantes enclenche une dynamique pouvant attirer des alliés, détruire des opposants, et faire baisser la résistance aux propositions futures. Les petites victoires sont des opportunités contrôlables qui produisent des résultats visibles. » [48] 72Par exemple, beaucoup de nageurs d’élite sont habitués à gagner des courses à l’entraînement. Steve Lundquist, qui a gagné deux médailles d’or à Los Angeles, voit dans ses succès le résultat d’une vieille décision qui l’a conduit à vouloir gagner chaque séquence, chaque jour, à chaque entraînement. C’était le but immédiat qu’il poursuivait à chaque entraînement juste essayer de gagner chaque séquence, quelle que soit la nage. Lundquist a acquis la réputation d’être un nageur féroce à l’entraînement, quelqu’un qui était en permanence dans une attitude compétitive, y compris à l’échauffement. Il devint si habitué au fait de gagner qu’il arrivait en compétition en sachant qu’il pouvait battre ses rivaux – il avait développé l’habitude, chaque jour, de ne jamais perdre. Le but à court terme de gagner à l’entraînement s’est transformé en une habileté à gagner des courses de plus en plus importantes. La compétition, quand celle-ci arrivait, n’était pas un choc pour lui, mais rien qu’une chose d’ordinaire. [49] 73Cela nous mène au troisième et dernier point. 74* Dans la recherche de l’excellence, poursuivre les activités ordinaires est l’enjeu principal. Pour le dire autrement, les vainqueurs ne perdent jamais les pédales. Confrontés à quelque chose qui semble être un immense challenge ou un événement exceptionnel comme les Jeux olympiques, les meilleurs athlètes considèrent qu’ils ont affaire à une situation normale, gérable [50] c’est juste une compétition parmi d’autres » est une phrase parfois employée par des nageurs d’élite à propos d’un évènement majeur, et ils font ce qui est nécessaire pour y faire face. Des rituels standardisés comme s’échauffer, se donner du courage, visualiser la course, enlever le survêtement, et d’autres sont des façons d’importer ses propres habitudes quotidiennes dans une situation nouvelle, pour rendre l’évènement aussi normal que possible. Des nageurs comme Lundquist, qui s’entraînent à des rythmes aussi intenses qu’en compétition, ont par conséquent un avantage arrivant à la compétition, ils sont habitués à faire leurs virages correctement, à prendre un départ réglementaire, à faire leur propre échauffement, et à être agressif dès le début de la course. Si, chaque jour de la saison est abordé avec des objectifs sérieux, alors la compétition majeure ne sera pas vécue comme un choc. L’athlète se dira j’appartiens à cet univers. Je suis chez moi », et il ne sera pas paralysé par la crainte ou l’introspection. La tâche est de s’entraîner en approchant les conditions de la compétition. 75Considérons maintenant le problème de poursuivre les activités ordinaires » dans d’autres professions Soit un acteur qui, dans une représentation, doit traverser la scène, aller à une table et décrocher un téléphone. Le soir de la première, un acteur débutant sera nerveux. Mais pourquoi ? Marcher à travers une pièce et répondre au téléphone sont des activités vraiment banales. Mais, le défi pour l’acteur est de maintenir un sens de la normalité dans ces conditions anormales dans les termes de Schütz [51], les acteurs font comme si ces activités allaient de soi, même si ce n’est pas le cas. Les répétitions, et plus spécialement les répétitions en costume, sont un moyen pour faciliter la transition vers une situation orateur, lors d’une remise de diplômes universitaires, se retrouve à parler devant une audience de plusieurs milliers de personnes. Il croit que cette audience, plus vaste que celle à laquelle il s’adresse d’habitude, requiert un message plus fort, qu’il doit être une sorte de surhomme pour leur parler, avec un message inspiré, et il panique. Mais, les orateurs les plus brillants sont ceux qui prennent du plaisir à parler, ou ceux qui, au moins, conservent leur calme, qui gardent à l’esprit que ce n’est qu’un discours parmi d’autres et pas un événement qui changera leur vie. Ils plaisantent avec le public, se sentent à l’aise sur le podium, se souviennent implicitement combien de discours ils ont fait ou combien leur audience en a entendus ; et ils savent que parfois les meilleurs discours sont délivrés dans la croyance que le monde n’accordera pas beaucoup d’importance et ne se souviendra pas longtemps de ce que nous avons dit ici » [52].Je peux peut-être suggérer un dernier exemple, plus personnel, d’échec à maintenir un sens de l’ordinaire. Il est tiré du monde académique et concerne l’incapacité à finir une thèse de doctorat, la lutte désespérée pour le magnum opus. A mon arrivée dans le troisième cycle universitaire, on m’a présenté à un étudiant avancé que nous appellerons Michael. Il était très brillant, bien perçu par tous ses professeurs, et travaillait très dur, déclarant de façon apparemment sincère passer au moins 12 heures par jour à ses études. Des chercheurs confirmés sollicitaient ses commentaires sur leurs manuscrits, et leurs remerciements mentionnaient toujours son nom. Tous les signes présageaient une carrière réussie. Mais, sept ans plus tard, quand je quittais l’université, Michael était encore là – et continuait à travailler 12 heures par jour. Aux dernières nouvelles [53], il en était encore à se donner du mal, “sur le point de finir” selon l’expression nos termes, Michael ne pouvait conserver son sens de l’ordinaire. Il n’accepta jamais qu’une thèse est un travail ordinaire, rien d’autre qu’un ensemble de mots écrits par une personne et lus par d’autres. Il n’a pas appris que les vrais examens, les vrais tests comme le document de thèse dans l’enseignement supérieur visent à découvrir si, à un certain point, la volonté ne se transforme pas en obsession. 76Le fait que l’excellence se construise au quotidien est généralement méconnu. Je crois que la raison est simple. Le plus souvent, nous voyons les grands athlètes après qu’ils soient devenus grands – après des années à apprendre de nouvelles méthodes, à construire des habitudes de compétitivité et de régularité, après qu’ils se soient ajustés à leur univers. Ils ont fait un long chemin pour perfectionner la myriade de techniques qui, toutes ensemble, produisent l’excellence. Ignorant toutes les étapes spécifiques qu’ils ont parcourues pour parvenir à la performance et à la confiance en soi, nous pensons que, d’une façon ou d’une autre, l’excellence trouve sa source dans la personne, et nous disons qu’il ou elle a du talent » ou est douée ». Même quand il est mis au jour, le principe que l’excellence se construit au quotidien n’est, le plus souvent, pas accepté. 77Chaque semaine, à la piscine de la Mission Viejo, où l’équipe championne nationale les Nadadores s’entraînait, des entraîneurs du monde entier venaient visiter les lieux, observer l’équipe durant ses entraînements pendant des heures. Les entraîneurs visiteurs étaient d’abord excités par le simple fait d’être là ; mais bientôt – dans l’heure le plus souvent – ils commençaient à s’ennuyer, tournant en rond, jetant leur regard sur les montagnes qui entourent la ville, lisant les tableaux d’affichage, regardant leur montre, s’émerveillant, après leur long vol pour arriver en Californie, quand quelque chose d’important était en train de se passer. Ils peuvent tous venir à La Mecque et voir ce que nous faisons, disait l’entraîneur Mark Schubert, ils pensent que nous avons quelque grand secret. » 78Evidemment, il n’y a pas de secret il y a seulement la pratique de toutes ces petites choses, chacune étant faite correctement, répétée encore et toujours jusqu’à ce que l’excellence dans chaque détail devienne une habitude fermement implantée, une part ordinaire de la vie de tous les qui précède a mis l’accent sur un aspect fondamental concernant les athlètes de classe olympique. Mais l’argument peut s’appliquer au-delà de la seule natation ou même du sport. Je suggère que cela s’applique au succès dans les affaires, à la politique, dans le monde académique, dans l’art dentaire, dans la comptabilité, dans la restauration, dans les discours, dans l’ingénierie électrique, dans les assurances quand les clients sont bouleversés, vous sautez dans votre voiture et partez parler avec eux et peut-être même dans les arts. [54] Considérons encore ces points essentiels L’excellence est un phénomène qualitatif. Faire plus ne signifie pas faire mieux. Les personnes les plus performantes se concentrent sur des améliorations qualitatives et non quantitatives. Ce sont les améliorations qualitatives qui produisent des changements significatifs dans le niveau de réussite ; les différents niveaux de réussite sont distincts du point de vue des habitudes, des valeurs et des buts qui les talent est un concept inutile. Différentes conceptions de l’habilité naturelle talent », etc. tendent à mystifier l’excellence, à traiter celle-ci comme une possession intrinsèque de quelques-uns. Ces conceptions masquent les actions concrètes à la base des performances marquantes ; elles évitent le travail empirique et les explications logiques élaborer des définitions claires, séparer les variables dépendantes et indépendantes, et, au minimum, essayer d’établir l’antériorité temporelle de la cause ; et, au final, ces conceptions perpétuent l’idée de différences psychologiques innées entre les champions et le reste de la se construit au quotidien. L’excellence s’acquiert en faisant des actions, ordinaires en elles-mêmes, réalisées avec attention et régularité, transformées en habitudes qui s’additionnent et s’assemblent dans le temps. Si ces actions sont qualitativement différentes » de celles des sportifs situés à d’autres niveaux, elles ne sont ni infaisables, ni, en considérant une chose à la fois, terriblement difficiles. C’est le cas de Mary Meagher qui arrive à l’heure à son entraînement ; de certains écrivains qui travaillent tous les jours pendant trois heures le matin en commençant leur journée ; d’un homme d’affaires qui va de l’avant en passant des coups de téléphones difficiles ; du demandeur d’emploi qui envoie une lettre de candidature en plus ; du coureur qui, en dépit de l’adversité, s’engage dans la course ; de l’élu régional qui lance une pétition avant de se présenter au Congrès ; de l’adolescent qui demande un rendez-vous ; de l’acteur qui attend une audition supplémentaire. Chaque fois qu’une décision doit être prise, un choix qualitativement » correct devra être fait. L’action en elle-même n’a rien de spécial. C’est l’attention et la régularité avec laquelle elle est faite qui Becker a présenté dans Outsiders un argument similaire à propos du caractère ordinaire de ce que font des personnes décrites comme atypiques. Nous pouvons appliquer à l’excellence ce qu’il écrit à propos de la déviance. Je suis d’accord avec ses propos. 80 Nous ne devons pas les considérer comme quelque chose de particulier, de dépravé, ou, par une sorte de magie, comme quelque chose de supérieur aux autres formes de comportement. Nous devons les considérer simplement comme une forme de comportement que certains désapprouvent et que d’autres apprécient, et étudier les processus selon lesquels ces deux perspectives se constituent et se perpétuent. Peut-être la meilleure précaution contre ces deux extrêmes réside-t-elle dans un contact étroit avec ceux que nous étudions. » [55] 81Après trois ans de travail de terrain auprès de nageurs de classe mondiale, en ayant des contacts rapprochés avec eux comme le recommande Becker, j’ai écrit un premier jet, plein d’histoires concernant ces nageurs, et je l’ai montré à un ami. Il me dit Tu devrais animer tout ça. Tu devrais rendre ces individus plus intéressants. Les analyses sont justes mais, en dehors du fait qu’ils sont de bons nageurs, il n’y a pas grand chose d’excitant à dire sur eux en tant qu’individus ». Il avait bien sûr raison. Ce que font ces athlètes était plutôt intéressant, mais en eux-mêmes ils n’étaient que de bons nageurs qui font cette chose particulière qui consiste à nager vite. Ce qui est très banal. Quand mon ami me disait qu’ils n’étaient pas très excitants, ma meilleure réponse pouvait simplement être c’est ça le point crucial. Notes [1] Traduction de Chambliss, Daniel F. 1989. The Mundanity of Excellence an Ethnographic Report on Stratification and Olympic Swimmers », Sociological Theory, Spring, 7 1, p. 70-86. Avec l’autorisation de l’auteur et de l’ ligne [2] Berger, Peter. Luckmann, Thomas. 1967 1986. The social construction of reality, Londres, Doubleday Allen Lane, The Penguin Press. Traduction française 1969. La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klincksieck ; blumer, Herbert. 1969. Symbolic Interactionism, Englewood Cliffs, Prentice Hall ; Schutz, Alfred. 1971. Collected Papers I The Problem of Social Reality, Edited and Introduced by Maurice Natanson. The Hague, Martinus Nijhoff. Traduction française d’extraits 1987. Le chercheur et le quotidien, Paris, Klincksieck ; et in 1998. Eléments de sociologie phénoménologique, Paris-Montréal, L’Harmattan ; Schutz, Alfred et Luckmann, Thomas. 1973. Structures of the Life-World, Evanston, Northwestern University Press. [3] Elias, Norbert. Dunning, Eric. 1986 1995. Quest for Excitement. Sport and Leisure in the Civilizing Process, Basil Blackwell, Oxford. Traduction française 1989. Sport et Civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Fayard ; Fine, Gary Alan. 1979. Small Groups and Culture Creation The Idioculture of Little Leaguc Base- ball Teams », American Sociological Review, n°44, p. 733-745 ; Goffman, Erving. 1961. Fun in Games », p. 13-81, in Encounters. Indianapolis, Bobbs-Merrill ; Guttmann, Allen. 1978 2006. From Ritual to Record. The Nature of Modern Sports, New-York, Columbia University Press. Traduction française 1999. Du rituel au record. La nature des sports modernes, Paris, L’Harmattan ; Lever, Janet. 1983. Soccer Madness. Chicago, University of Chicago Press ; Rigauer, Bero. 1981. Sport and Work, New York, Columbia University Press. Une des meilleures contributions de critique sociale du sport est incluse dans Halberstam, David. 1981. The Breaks of the Game, New York, Knopf. [4] Les interviews ont été soit enregistrées au magnéto au début de l’enquête soit transcrites en notes. L’enregistrement a parfois eu des effets inhibiteurs selon où et quand les interviews étaient menées et, de ce fait, a été abandonné. Les interviews commençaient par une série de questions standards – par ex. Comment avez-vous débuté dans la natation ? », Quand avez-vous accédé au statut de nageur de l’équipe nationale ? » – pour évoluer vers une forme de conversation libre sur les conditions dans lesquelles on devient un champion, on trouve le bon entraîneur, etc. Pour plus de détails, voir Chambliss, Daniel F. 1988. Champions The Making of Olympic Swimmers, New York, Morrow Sources et remerciements ». [5] En fait, ils sont davantage insérés socialement et à l’aise dans la société que leurs pairs. Le processus qui aboutit à ce résultat correspond bien avec la description des sources de la cohésion sociale faite par Durkheim, Emile. 1912 1968, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, [6] Ces points sont longuement traités dans Chambliss, Daniel F. 1988. Op. cit. [7] En vérité, les équipes de haut-niveau travaillent de longues heures, et nagent de très longues distances, mais 1 de tels entraînements ne commencent souvent que lorsque le nageur atteint un statut national et pas avant, et 2 l’effet positif d’un kilométrage supérieur semble se produire à la suite de très forte augmentation, le doublement des distances d’entraînement – auquel cas on peut soutenir qu’un saut qualitatif a été accompli. Toute cette question de combien de kilomètres il faut effectuer » est activement débattue dans le milieu de la natation. [8] Un jour à Mission Viejo, avec soixante nageurs allant et venant dans le bassin de 50 mètres, l’entraîneur Mark Schubert a fait sortir un gars de l’eau et lui a fait faire vingt pompes avant qu’il ne retourne s’entraîner. Le garçon avait touché le mur d’arrivée avec une seule main à la fin d’une course de brasse. Le règlement exige qu’on touche des deux mains. Cent vingt mains auraient du toucher, cent dix-neuf avaient touché, et cela avait contrarié Schubert. Il fait attention aux détails. [9] D’après une interview de son entraîneur, Ron O’Brien. [10] Les nageurs de fond comparent souvent la natation à la méditation. [11] Voir aussi Hemery, David. 1986. The Pursuit of Sporting Excellence A Study of Sport’s Highest Achievers. London, Willow. [12] Ainsi, plusieurs équipes bien connues réussissent régulièrement dans les compétitions Junior Nationales, mais n’ont pas des résultats élevés dans les classements par équipes aux Championnats Senior Nationaux, le niveau juste au-dessus. Ces équipes empêchent véritablement leurs nageurs d’aller dans les compétitions supérieures, les gardant en réserve pour des épreuves plus faciles, si bien que l’équipe fera mieux à un niveau moins élevé. De cette façon, et de bien d’autres, les équipes choisissent leur niveau pour réussir. [13] Clausewitz, Carl von. 1831. Vom Kriege ; traduction française. 1955. De la guerre, Paris, éd. de Minuit, p. 139-140. [14] Chambliss cite le prix Sorokin décerné aux Etats-Unis au meilleur livre de sociologie. [15] On réalise cela en lisant les curriculum vitae de candidats à un emploi c’est bien mieux d’avoir un poste d’Allocataire moniteur ou une distinction pour un livre, que quinze pages de références de revues critiques de livres parus dans le bulletin d’une association régionale. [16] Fine, Gary Alan. 1979. Small Groups and Culture Creation The Idioculture of Little Leaguc Base-ball Teams », American Sociological Review, 44, p. 733-745. [17] Un effort accru, par exemple, apporte bien un surcroît de réussite. Mais au plus haut niveau de la compétition, pratiquement tout le monde s’entraîne dur, et les efforts ne sont pas, par eux mêmes, le facteur déterminant qu’il peut représenter pour les athlètes des niveaux inférieurs, dont la plupart ne se tuent pas à l’entraînement. [18] Pour une explication différente de la tendance à réduire les facteurs qualitatifs à du quantitatif, voir Lukacs, Georgy. 1923 1960. Geschichte und Klassenbewusstsein, traduction française 1968. Histoire et Conscience de classe, Paris, Minuit. [19] March et Olsen font une remarque similaire à propos des institutions et organisations éducatives en général les organisations incluent une variété de membres qui ont différents buts, projets, motivations et valeurs. L’unité des préoccupations, même avec les organisations, ne peut pas être supposée. March, James G. et Olsen, Johan P.. 1976. Ambiguity and Choice in Organizations, Bergen, Norway, Universitetsforlaget. [20] Voir Shibutani, T. 1962. Reference Groups and Social Control », in Rose, Arnold M. Human Behavior and Social Process, Boston, Houghton Mifflin Company, p. 128-147, sur les mondes sociaux » Blumer, Herbert. 1969. Symbolic Interactionism, Englewood Cliffs, Prentice Hall. [21] Les nageurs rapides qui vont dans les courses lentes sont surnommés hot dogs », poseurs », et même connards » observations personnelles. [22] De nouveau, observations personnelles d’un grand nombre de cas. Bien qu’il y ait des différences significatives entre les nageurs de classe olympique et ceux des ligues de clubs ruraux, la sociabilité de base de leurs mondes n’en fait pas partie. [23] Les échelles de prestige dans les différents mondes sont tellement différentes qu’un homme ou une femme qui parvient au sommet de la réussite dans un genre peut être complètement inconnu ailleurs », Shibutani, in Rose. Op. cit. De même dans le monde académique on peut être un professeur qui réussit au niveau national et avoir des difficultés à trouver un poste dans une petite université régionale. Les professeurs à ce niveau régional peuvent être soupçonneux à l’égard de ses motivations, être jaloux, suspecter qu’il ou elle ne conviendra pas, ou ne restera pas, etc. [24] N. T. la catégorie Maître en natation Master regroupe les nageurs de plus de 25 ans, qui disposent d’une multitude d’épreuves par catégories d’âge. [25] Ici aussi, voir March, James G. et Olsen. et Johan P. Op. cit. [26] L’information sur l’entraînement est fournie par son coach, devenu plus tard son mari, Dr Keith Bell. [27] Des données anecdotiques fournies par des nageurs e. g. Steve Lundquist et des entraîneurs e. g. Terry Stoddard suggèrent que les effets physiques de l’entraînement intensif peuvent durer des années, si bien qu’un nageur grimpe » vers le haut niveau grâce à un meilleur entraînement, et ne perd pas sa rapidité une fois que l’entraînement est réduit. [28] Clausewitz, Carl von. 1955. Op. cit., p. 150. [29] Schutz, Alfred et Luckmann, Thomas. 1973. Structures of the Life-World, Evanston, Northwestern University Press. [30] Or personne ne peut voir dans l’œuvre de l’artiste comment elle s’est faite ; c’est son avantage, car partout où l’on peut assister à la formation, on est un peu refroidi. L’art achevé de l’expression écarte toute idée de devenir ; il s’impose tyranniquement comme une perfection actuelle », Nietzsche, Friedrich. 1876-1878. Menschliches, Allzumenschliches traduction française 1993. Humain, trop humain, in Œuvres, Paris, éd. R. Lafont, tome 1, p. 534 au § 162. [31] Kalinowski, Anthony, G. The Development of Olympic Swimmers » et One Olympic Swimmer », in Bloom, Benjamin S. dir.. 1985. Developing Talent in Young People, New York, Ballantine, p. 139-210. [32] Je ne suis pas en train de dire que l’aptitude naturelle ne compte pas ». Je dis qu’employer le mot talent » comme moyen d’expliquer la performance relève de la tautologie. L’accomplissement de la performance est réifié – transformée en chose – et on l’appelle le talent ». [33] Sartre, Jean-Paul. 1946. L’Existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel, p. 60-61 [34] Staples, Brent. 1987. Where Are the Black Fans? », New York Times Magazine, vol. 136, May 17, p. 26-36. [35] Nietzsche, Friedrich. 1993. Op. cit., t. 1, p. 534 [36] Pour forger cette expression peu gracieuse, mais juste, j’emprunte le terme mondanité » au philosophe phénoménologue Maurice Natanson Natanson, Maurice. 1970. The Journeying Self A Study in Philosophy and Social Role, Reading, Massachusetts, Addison-Wesley N. T. terme ici rendu par banalité » ou quotidienneté », au quotidien ». [37] La carrière intégrale de Meagher est décrite dans Chambliss, Daniel F. 1988. Op. cit. [38] Ces techniques sont minutieusement décrites dans Maglischo, Ernest W. 1982. Swimming faster, Palo Alto, Mayfield et dans Troupe, John et Reese, Randy. 1983. A scientific approach of the sport of swimming, Gainesville Florida, Scientif Sports, Inc. [39] Notes de terrain, voir Chambliss, Daniel F. 1988. Op. cit. pour la description complète. [40] Drucker, Peter. F. 1985. The Effective Executive, New York, Harper and Row ; traduction franaçaise L’Efficacité, objectif n° 1 des cadres, Paris, les Éditions d’Organisation. [41] Notes tirées d’un entretien. [42] Peters, Tom et Waterman, Robert. 1982. In search of Excellence, New York, Warner. [43] En donnant des leçons de natation, j’ai vu des enfants s’améliorer de 20 secondes et plus sur 50 yards distance couverte en une minute environ au cours d’une seule leçon. Au plus haut niveau, les nageurs passent des années pour gagner une seconde sur la même épreuve. [44] Le fait que le lecteur puisse ne pas croire cela révèle plus de choses sur le monde social auquel ce dernier appartient – en l’occurrence celui des chercheurs actifs – que sur la réalité d’un grand nombre d’enseignants-chercheurs. Pour beaucoup d’entre eux, le simple fait de participer au monde académique est un pas immense. [45] Voir Chambliss, Daniel F. 1988. Op. cit., chapitre 6. [46] Extrait d’interview. [47] Pour une application de cette notion à l’éducation scolaire, voir Chambliss, Daniel et F. Ryan, Daniel J. Jr., 1988. Big Problems Demands Small Solutions Toward a General Strategy for Excellence in Education », Annual Meeting of the New England Educational Research Organization, April. [48] Weick, Karl. 1984. Small Wins Redefining the vendredi, 6 août 2021. 0736 Mise à jour vendredi, 6 août 2021. 1345 Le titre qu'elle convoitait tant, Christine Sinclair l'a finalement obtenu. La Canadienne de 38 ans, capitaine de l'équipe féminine du Canada depuis maintes années, totalise plus de buts que quiconque sur la scène internationale du soccer, hommes ou femmes. Mais il manquait à son palmarès un triomphe à un tournoi majeur. Jusqu'à vendredi. À lire également Julia Grosso a couronné des moments de grande tension en touchant la cible lors de la sixième ronde et le Canada a remporté la médaille d'or du tournoi de soccer féminin des Jeux olympiques de Tokyo, vendredi soir, grâce à une victoire de 3-2 aux tirs de barrage contre la Suède. Les deux clubs étaient à égalité 1-1 après 90 minutes de temps réglementaire et 30 minutes additionnelles. Après le but décisif, les joueuses du Canada ont accouru vers Grosso et Sinclair a levé ses bras dans les airs en guise de victoire avant de sauter sur ses coéquipières. Vraiment, elle paraît même plus jolie », a déclaré Sinclair, en levant la médaille d'or. Tout juste avant le but décisif, la gardienne Stephanie Labbé avait frustré Jonna Andersson en plongeant pour empêcher le ballon de toucher le coin inférieur droit du filet. Pendant la session de tirs de barrage, Labbé a bloqué un autre tir, celui d'Anna Anvegard. Elle a aussi eu l'aide de son poteau gauche sur le tout premier tir, celui de Kosovare Asllani, et celle de Caroline Seger, qui a vu sa tentative survoler la barre transversale alors qu'un but aurait procuré la médaille d'or aux Suédoises. Après l'échec de Seger, Deanne Rose a ramené le Canada a égalité 2-2 en déjouant Hedvig Lindahl. J'essaie de ne pas trop le sentir, de me réveiller de ce mauvais rêve », a déclaré Lindahl. Félicitations au Canada, elles ont bien défendu. Nous avions la médaille à portée de nous. » Pendant le temps réglementaire, Stina Blackstenuis a donné l'avance à la Suède pendant la 34e minute. Dominées jusque-là, les Canadiennes ont réussi à créer l'égalité à la 67e minute lorsque Jessie Fleming a touché la cible sur un penalty, après une infraction à l'endroit de Sinclair dans la surface de réparation quelques instants auparavant. Ignorée sur le coup par l'arbitre sur le terrain, l'infraction a été signalée après l'intervention de l'assistance vidéo à l'arbitrage. Fleming a aussi trouvé le fond du filet lors des tirs de barrage. Il s'agit de la première médaille d'or olympique pour l'équipe féminine du Canada, après des troisièmes places lors des Jeux de Londres, en 2012, et lors des Jeux de Rio de Janeiro, en 2016. Honnêtement, je n'arrive pas à croire ce qui vient juste d'arriver », a déclaré Sinclair, qui a marqué 187 buts en carrière. Pendant les 40 derniers jours, nous avions l'objectif de venir ici et de changer la couleur de la médaille. Et nous avons atterri au sommet du podium. C'est tout simplement un grand honneur de faire partie de ce groupe. » Le Canada a pu atteindre le match ultime du tournoi de soccer féminin en terminant d'abord au deuxième rang du groupe E avec cinq points en trois matchs, résultat d'une victoire de 2-1 contre le Chili et de matchs nuls de 1-1 face au Japon et à la Grande-Bretagne. En quarts de finale, la formation canadienne a eu besoin d'un but de Vanessa Gilles et de deux arrêts-clé de Labbé pour éliminer le Brésil 4-3 aux tirs de barrage, après 120 minutes complètes sans un seul but de part et d'autre. Puis, en demi-finale lundi, le Canada a éliminé ses grandes rivales des États-Unis, l'emportant 1-0 grâce au but de Fleming, sur un penalty, à la 75e minute. De leur côté, les Suédoises ont complètement dominé le groupe G, duquel elles sont sorties avec un dossier immaculé de trois gains et aucune défaite. La Suède a amorcé la phase de groupe en battant facilement les États-Unis 3-0, avant d'inscrire des victoires de 4-2 contre l'Australie et de 2-0 face à la Nouvelle-Zélande. En quarts de finale, les Suédoises ont défait le Japon 3-1 avant de prendre la mesure de l'Australie pour la deuxième fois du tournoi, cette fois par la plus mince des marges, 1-0.

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